Publié le 12 octobre 2023
Alors que les exclusions prévues dans la refonte du label ISR pourraient être menacées, les épargnants français semblent pourtant les plébisciter. 60 % d’entre eux ne veulent pas entendre parler d’entreprises liées aux énergies fossiles dans leurs placements durables, selon un sondage de Reclaim finance, présenté en exclusivité dans Novethic Essentiel.

Ça coince toujours du côté de la réforme du label ISR. Le nouveau référentiel, présenté cet été par le comité du label, se trouve toujours sur le bureau du ministère de l’Économie et des finances, en attente de validation. La mise en place d’exclusions de certaines énergies fossiles fait grincer les dents de plusieurs acteurs financiers, qui craignent de ne voir certains de leurs fonds perdre le label. Leur lobbying semble retarder l’échéance… Un sondage exclusif réalisé par OpinionWay pour Reclaim finance auprès des Français démontre pourtant clairement l’importance de ces exclusions pour regagner la confiance des épargnants.


L’ONG a posé deux questions simples aux Français : un placement durable, vert, ou responsable devrait-il financer des compagnies pétrolières développant de nouveaux champs pétroliers et gaziers ? Si c’est le cas, est-ce du greenwashing. Sans surprise, les avis sont très tranchés. Pour 60% des répondants, un fonds responsable ne peut pas investir dans des énergies fossiles. Le pourcentage est même un peu plus élevé chez les plus de cinquante ans, qui dispose en général d’une épargne plus abondante (67% pour les 50-64 ans, 73% pour les 65 ans et plus). Et 64% estiment que l’inclusion d’entreprises liées au énergies fossiles dans les fonds durables constitue du greenwashing.

Plus de crédibilité et de transparence

La refonte du label répond en partie à ces épargnants, en mettant en place un critère d’exclusion des énergies fossiles non conventionnelles, en plus du charbon. “C’est un signal clair que les épargnants ont besoin de crédibilité et de plus de transparence“, estime Lara Cuvelier, chargée de campagne investissements soutenables chez Reclaim finance. Il s’agissait justement de l’objet initial de la réforme. Le rapport de l’Inspection général des finances de décembre 2020, qui avait mis le feu aux poudres, soulignait la nécessité de renforcer les exigences des critères du label pour enrayer la perte de “crédibilité et de pertinence” aux yeux des véritables destinataires de cet outil d’orientation de l’épargne vers l’économie durable.

Des sociétés de gestion opposent au contraire à la réforme du label la grande difficulté technique que les exclusions normatives et sectorielles feraient peser sur leur gestion. Amundi, mais aussi l’AFG, s’étaient fermement prononcés contre ces exclusions lors de la dernière consultation sur les nouveaux critères. TotalEnergies, qui serait automatiquement exclue des fonds labellisés en raison de ses activités dans les énergies fossiles non conventionnelles, craint également de perdre une partie de ses investisseurs. La dernière étude d’Epsor sur le label ISR montrait que la major française était la quatrième entreprise la plus représentée dans les fonds labellisés.

Ecouter les aspirations des épargnants

Ce sont des arguments alarmistes, tranche Lara Cuvelier. Aujourd’hui, le label ISR ne peut plus contribuer à financer des énergies fossiles.” Les arguments techniques employés par les sociétés de gestion pour critiquer le nouveau référentiel du label risquent de passer totalement à côté des aspirations des épargnants. La notoriété du label auprès des Français, très faible selon les sondages réguliers du FIR, n’y gagnera pas. “Il ne faut pas entrer dans un débat technique, le comité du label s’est assuré que les nouveaux critères étaient réalisables, reprend Lara Cuvelier. Ce sera peut-être plus cher de faire labelliser un fonds ISR, mais cela permettra d’en vendre plus.

Pendant ce temps-là, le label belge de finance durable continue de renforcer ses exigences… sans provoquer de remous. Cet été, la troisième version de Towards Sustainability a mis en place l’exclusion des entreprises impliquées dans l’exploration et le développement de nouveaux projets pétroliers et gaziers. “Les sociétés de gestion sont très impliquées et feront les efforts nécessaires pour garder le label“, expliquait à Novethic Essentiel Tom Van der Berghe, directeur du label à l’Agence centrale de labellisation.

Près de 1200 fonds détiennent le label ISR, 800 pour Towards Sustainability. Novethic, qui publie régulièrement le panorama des labels, prévoit justement le 25 octobre une mise à jour des chiffres des fonds labellisés en Europe, avec une analyse de leur caractéristiques Article 8 et 9, et de leur alignement à la taxonomie.■ 

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