Quand les images sont plus frappantes que les mots. L’ONG Globaïa a mis en ligne, il y a quelques semaines, une nouvelle datavisualisation mettant en lumière la disparition de nos forêts primaires. Chiffres à l’appui, les forêts tropicales ont perdu 3,7 millions d’hectares de forêt primaire en 2023, soit l’équivalent de 10 terrains de football qui disparaissent chaque minute.
Ces forêts primaires – c’est-à-dire préservées de toute intervention humaine – représenteraient aujourd’hui moins de 23% de la couverture forestière mondiale, selon l’ONF, l’Office national des forêts. Or, ces forêts, qui comptent parmi les plus anciennes et les plus riches du monde, sont des régulateurs essentiels du climat. En 2023, la destruction des forêts a libéré 2,4 gigatonnes de CO2, l’équivalent de la moitié des émissions de carbone des États-Unis.
12 000 ans d’évolution de nos forêts primaires
La raison de ce déclin ? L’homme et ses activités. “Cette visualisation permet de se rendre compte de notre impact depuis le néolithique”, note Maxime Blondeau, cosmographe, qui partage la datavisualisation sur LinkedIn. À travers les millénaires, l’expansion de l’agriculture et de l’élevage, l’exploitation des forêts pour le bois d’œuvre et le combustible, ainsi que l’expansion des zones peuplées et urbanisées, ont eu des conséquences néfastes sur les forêts du monde.
👈 Original forests (Modelled, Early Holocene)
Generalised Original Forest by UN WCMC
+ Potential distribution by NatureMap & Partners
👉 Current forests (2023)
Hansen/UMD/Google/USGS/NASA https://t.co/cKUgXymdtI— GLOBAÏA (@Globaia) April 4, 2024
Cependant, des progrès sont à noter ces dernières années. En novembre 2021, 145 dirigeants réunis lors de la COP26 avaient promis de mettre un terme à la déforestation d’ici à la fin de la décennie. Le Brésil, pays le plus touché par la perte de forêts primaires, a fait des progrès spectaculaires depuis le retour au pouvoir du président Lula. Depuis sa réélection, la déforestation a diminué de 36 %, atteignant son plus bas niveau depuis 2015.
Recréer une forêt primaire en Europe
En Europe, il ne reste qu’une seule forêt primaire : celle de Białowieża, située en Pologne orientale. Classée au patrimoine mondial de l’Unesco, elle s’étend sur 142 000 hectares, mais elle est aujourd’hui menacée par le gouvernement polonais. Depuis 2021, elle est au centre d’un conflit migratoire entre la Biélorussie et la Pologne, qui a décidé de construire un immense mur anti-migrants en béton et en acier au cœur de cet écosystème forestier. Il s’agit à la fois d’un drame humain et d’une catastrophe pour la biodiversité.
Mais ces dernières années, l’association Francis Hallé pour la forêt primaire entend bien convaincre les pays d’Europe de l’Ouest de faire renaître une forêt primaire sur leur sol. Ce nouveau couvert végétal s’étendrait sur une zone transfrontalière entre la France, la Belgique, l’Allemagne, la Suisse et le Luxembourg et couvrirait 70 000 hectares, soit sept fois la surface de Paris intra-muros. Le lieu exact reste toutefois à définir, entre les Ardennes franco-belges ou les Vosges franco-allemandes.