Publié le 10 août 2023
ENVIRONNEMENT
Un sommet de l'Amazonie en demi-teinte malgré la menace grandissante du point de non-retour
Il faut sauver la forêt amazonienne. C’était l’objectif clairement affiché du sommet régional qui s’est tenu ces deux derniers jours à Belém, dans le nord du Brésil. Les huit pays possédant un bout de la forêt amazonienne y ont affirmé leur volonté de lutter contre la déforestation. Un effort louable mais encore bien insuffisant pour sauver "le poumon vert" de la planète.

NELSON ALMEIDA/AFP
"La forêt tropicale n’est ni un vide à occuper ni un trésor à piller. C’est un parterre de possibilité qui doit être cultivé", a déclaré le président brésilien Luiz Inácio Lula da Silva, à l’ouverture du sommet régional de Belèm. À son initiative, l’événement a réuni les 8 et 9 août, les dirigeants des huit pays membres de l’Organisation du traité de coopération amazonienne (OTCA), créée en 1995.
Le Brésil, la Bolivie, la Colombie, le Pérou, l’Équateur, le Guyana, le Suriname et le Venezuela ont ainsi signé une déclaration commune entérinant la création d’une nouvelle alliance, appelée "Alliance amazonienne de combat contre la déforestation", afin de préserver la plus grande forêt du monde. Leur objectif : "Promouvoir la coopération régionale dans le combat contre la déforestation, pour éviter que l’Amazonie n’atteigne le point de non-retour".
Des envoyés de Norvège et de l’Allemagne, principaux financeurs du Fonds Amazonie, ont également fait le déplacement. À l’exception de la France, dont l’absence d’Emmanuel Macron, pourtant invité personnellement par le président Lula, a été fortement remarquée. Le pays n’a finalement été représenté que par son ambassadrice au Brésil, Brigitte Collet, malgré la situation stratégique de la Guyane à 90% recouverte par la forêt tropicale.
Beaucoup d’attentes, et peu de décisions
Cette déclaration commune publiée à l’issue du premier jour du sommet laisse cependant un goût amer aux associations de défense pour l’environnement, bien que ce document de 22 pages et divisé en 113 points appelle à redoubler d’efforts pour réduire la déforestation, via la création d’un centre de coopération policière pour lutter contre l’orpaillage. Il s’agit surtout d’un consensus de façade, où de nombreuses divergences ont entaché ce sommet, notamment entre la Colombie et le Brésil autour de projets d’exploration pétrolière en Amazonie.
"Il est aujourd’hui difficile de se montrer satisfait puisqu’il n’y a pas d’objectif clair annoncé sur le recul de la déforestation. Cela ne va donc pas sauver la forêt", explique Éric Moranval, chargé de campagne Forêts de Greenpeace France. Ajoutant néanmoins que "la tenue de ce sommet est importante car il a lieu après quatre ans de saccage environnemental au Brésil". Sous l’ancien chef d’État brésilien Jair Bolsonaro, la déforestation avait augmenté de 85% rien qu’entre 2018 et 2019. "Il y a donc aujourd’hui un retour au multilatéralisme autour de la question de l’Amazonie", se réjouit cet expert auprès de Novethic. En prenant compte les sept premiers mois du mandat de Lula, la déforestation a déjà reculé de 42,5% en comparaison à la même période l’année passée, sous l’ère Bolsonaro.
Un "point de bascule" toujours plus proche
La principale inquiétude, qui a notamment plané sur toutes les discussions, est d’approcher le "point de bascule" de l’Amazonie, à savoir la destruction de plus d’un cinquième de la forêt et ce qui pourrait la faire alors basculer en savane. Ce "point de non-retour" pourrait être enclenché vers 2050, selon les experts du Giec. Ce que confirme Valéry Gond, directeur adjoint de l’Unité de recherche forêts et sociétés au centre de Coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad) à Novethic.
"Nous nous rapprochons tous les jours de ce point de bascule, alerte Valéry Gond, car plus l’on déforeste plus l’on perturbe le cycle de l’eau de l’Amazonie et plus l’on tend vers son assèchement". Et franchir ce point de non-retour "aurait des conséquences considérables pour les populations locales et les exploitations agricoles, mais aussi pour tout le continent sud-américain, puisque les pluies qui tombent au nord de l’Argentine, dans le sud du Brésil, au Paraguay et l’Uruguay viennent de l’Amazonie".
Une baisse des précipitations est d’ailleurs déjà observée dans le Mato Grosso dans la région du Cerrado au sud du Brésil, où domine la culture du soja destinée principalement à l’exportation pour les filières agricoles européennes. "Les agriculteurs s’y sont massivement reportés, faute de pouvoir étendre leur culture en Amazonie, en raison notamment de la loi prise par l’UE pour empêcher la commercialisation de produits issus de la déforestation", fait remarquer Éric Moranval de Greenpeace France.
Le poumon vert de la planète peine donc à reprendre son souffle à l’issue de ce sommet régional, sorte de répétition générale avant les grands rendez-vous internationaux pour le climat, que seront la COP28 à Dubaï cet automne et surtout la COP30 qui a aura aussi lieu à Belèm. Laissant ainsi quelques mois aux pays de l'OTCA pour s’accorder et parler d’une seule voix.