Publié le 15 septembre 2025

À deux mois de la COP30 à Bélem en Amazonie, la participation des entreprises reste floue. Dix ans après l’Accord de Paris, elles hésitent à s’exposer, entre contraintes logistiques, tensions politiques et peur du greenwashing en plein blacklash écologique.

Les entreprises seront-elles au rendez-vous de Belém ? A deux mois de la COP30 sur le climat, et alors qu’on célèbre cette année les dix ans de l’Accord de Paris, les appels se multiplient pour tenter de les convaincre de faire le déplacement. “J’appelle tous les chefs d’entreprise à se joindre au monde entier à Belém” et “à ne pas reculer” sur l’action climatique, a ainsi lancé André Corrêa do Lago, le président de la COP30, dans sa 7e lettre, publiée le 29 août et adressée cette fois au secteur privé. “Avec la COP30 en Amazonie, les enjeux et le symbolisme sont amplifiés. C’est le moment pour les entreprises de se tenir personnellement aux côtés des gouvernements, de la société civile et des communautés”, déclarait également la coalition We mean business, dans un communiqué publié le 12 août.

Nous avons peu de visibilité sur qui y va. Chacun s’interroge, on a le sentiment que tout se fera à la dernière minute”, constate pour Novethic Nils Pedersen, délégué général du Global Compact France. Il souligne les difficultés d’accès au sommet, sujet de polémique depuis plusieurs mois. “Les conditions d’hébergement sont complexes”, note-t-il pudiquement. Un constat partagé par Ricardo Mussa, président de Sustainable Business COP, une initiative du secteur privé : “Il a été très difficile, surtout pour les PDG de grandes entreprises, d’envisager de venir au Brésil sans être absolument certains de ce qu’ils y trouveront”, a-t-il déclaré à Climate Home News.

Peur du greenwashing

Du côté des entreprises françaises, quelques-unes nous confirment toutefois se rendre à la COP30, à l’instar de Danone, Schneider ou encore Axa. “La COP 30 est un moment important pour échanger au niveau mondial et avancer de manière coordonnée sur des sujets clés. Ce sera pour nous l’occasion de partager les progrès que nous avons réalisés (-25% d’émissions de méthane dans l’élevage laitier depuis 2020)”, nous fait savoir l’équipe presse de Danone. Veolia, Saint-Gobain, Engie, L’Oréal ou encore Michelin devraient également y aller, selon les informations collectées par Global Compact France, en raison de leurs intérêts dans le pays.

En revanche, il n’y a pas de nouveautés ou d’annonces à attendre en matière d’engagements, contrairement à l’avalanche qui avait précédé la COP21. “Le sujet est désormais bien ancré dans la réalité des entreprises, elles sont entrées dans le dur de l’action”, explique Nils Pedersen. Si elles n’ont pour la majorité pas renoncé à leurs engagements, elles sont également plus frileuses à l’heure de les mettre en avant, en raison du risque de greenwashing. “Nous sommes le premier distributeur de gaz à avoir atteint nos objectifs sur les trois scopes avec sept ans d’avance, mais on a une certaine pudeur à le partager, de peur qu’on nous tombe dessus”, témoigne Magalie Peron, directrice RSE de GRDF, au sein d’une table-ronde organisée pour les dix ans de la méthode ACT (Accelerate climate transition).

La pression de l’administration Trump a également renforcé cette posture. “On continue d’avancer mais sans le crier sur les toits”, nous confie ainsi en off un cadre d’une grande entreprise française. “Le contexte géopolitique est très différent par rapport à la COP21 de 2015”, ajoute Elisabeth Laville, fondatrice et directrice du cabinet de conseils Utopies. Guerres en Ukraine et à Gaza, réélection de Donald Trump, droits de douane. Le monde n’est plus le même. “Le moment est peut-être venu de renforcer le rôle des entreprises et de les faire participer plus activement”, suggère l’experte RSE.

Manque d’impulsion

“Il faut aussi évoquer l’éléphant dans la pièce. L’instabilité politique qui règne en France depuis deux ans n’aide pas. En 2015, l’impulsion était portée par l’appareil d’Etat français aujourd’hui disloqué“, regrette Nils Pedersen. Une impulsion qui ne vient pas non plus de l’Union européenne, où la bataille, à l’initiative de la France, fait toujours rage pour trouver un accord sur l’objectif climatique à 2035. Celui-ci doit être présenté d’ici la fin du mois de septembre. Si l’UE ne parvient pas à tenir les délais, le message envoyé au reste du monde serait clairement délétère.

Bruxelles mène également en parallèle un détricotage de plusieurs réglementations phares sur le reporting durable des entreprises ou le devoir de vigilance, au sein du paquet Omnibus, faisant craindre un backlash écologique. “C’est la fin de l’euphorie du Pacte vert, qui a vu l’adoption de dizaines de textes ces dernières années. Maintenant, on entre dans la mise en œuvre, et face à un monde qui bascule dans un nouvel ordre économique, l’UE doit tenir bon. Les entreprises sont prêtes”, assure Célia Agostini, directrice de Cleantech for France.

Certaines toutefois, y compris au sein des plus engagées, s’autorisent un certain relâchement. Lors de la table-ronde sur la méthode ACT, Hélène Valade, la directrice développement environnement de LVMH et présidente de l’Orse, n’a pas hésité à fustiger “les khmers verts” qui réclament aux entreprises de s’aligner sur une trajectoire 1,5°C, “quand bien même cet objectif semble désormais hors d’atteinte”, a-t-elle souligné. “Nous sommes allés trop loin”, selon elle. Le ton n’est définitivement plus le même qu’en 2015 alors que nous sommes à mi-chemin d’une décennie décisive pour inverser la tendance.

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