C’est un secteur qui s’envole. Avant la pandémie de Covid-19, le tourisme mondial pesait 6 000 milliards de dollars et était l’un des secteurs avec la croissance la plus rapide au monde pendant dix années consécutives. La contrepartie, c’est que ses émissions de CO2 ont elles aussi explosé. Elles ont augmenté deux fois plus vite que dans le reste de l’économie mondiale entre 2009 et 2019 et représentent aujourd’hui 8,8% des émissions mondiales de gaz à effet de serre, selon une nouvelle étude publiée cette semaine dans la revue Nature communications.
Une tendance qui devrait se poursuivre et même s’aggraver. En effet, après la pandémie, le rebond du tourisme a été rapide et on devrait à nouveau dépasser les 20 milliards de voyages en 2024. “Sans interventions urgentes dans l’industrie mondiale du tourisme, nous prévoyons une augmentation annuelle des émissions de 3 à 4%, ce qui signifie qu’elles doubleront tous les 20 ans”, a déclaré le Dr Ya-Yen Sun, professeure associée de la Business school de l’université du Queensland (Australie) et autrice principale de l’étude. “Cela n’est pas conforme à l’Accord de Paris qui exige que le secteur réduise ses émissions de plus de 10% par an”, ajoute-t-elle.
Trois pays représentent 40% des émissions
L’analyse révèle que par rapport à un précédent rapport d’ampleur, datant de 2013, l’industrie du tourisme a fait “très peu de progrès” en matière de réduction des émissions. “Si l’efficacité de la technologie et de la chaîne d’approvisionnement s’est améliorée de 2009 à 2019, ces gains d’efficacité carbone sont loin derrière ceux d’autres secteurs”, notent les auteurs.

Trois pays sont particulièrement pointés du doigt : les Etats-Unis, la Chine et l’Inde qui représentaient en 2019, date des dernières données collectées, 39% des émissions mondiales et 60% de la croissance des émissions entre 2009 et 2019. Plus globalement, les vingt premiers pays les plus émetteurs représentent les trois quarts de l’empreinte carbone du secteur. Parmi eux, on trouve l’Allemagne, le Royaume-Uni, le Japon, le Mexique ou encore le Canada. La France est classée 9e pour les émissions résultant des déplacements intérieurs et extérieurs des résidents, soit 2,3% des émissions mondiales du tourisme.
Fixer des “seuils” limite
Le talon d’Achille est le transport aérien, avec un nombre record de cinq milliards de voyageurs aériens attendus en 2024, selon l’Association du transport aérien international (IATA). Une “reprise incontrôlée” boostée par les compagnies low-cost d’après une étude de Transport & Environment (T&E) publiée le 19 avril dernier. En 2023, 700 000 décollages ont été comptabilisés au total en France selon les données collectées par l’ONG, soit une augmentation de 10% par rapport à 2022.
Mais des voix commencent à se faire entendre pour limiter cette croissance folle. Les auteurs de l’étude parue dans Nature Communications appellent ainsi à mettre en place au niveau national des “seuils de volume de demande” pour aligner le tourisme mondial sur l’Accord de Paris. “La réduction des vols long-courriers est l’une des recommandations que nous avons avancées pour aider l’industrie à réduire ses émissions, parallèlement à des mesures ciblées telles que les taxes sur le dioxyde de carbone, les budgets carbone et les obligations en matière de carburants alternatifs”, indique le Dr Ya-Yen Sun.