La PPE3 sera-t-elle publiée avant le 8 septembre ? La question est sur les lèvres de tous les professionnels de l’énergie. La nouvelle programmation pluriannuelle, feuille de route énergétique pour les dix prochaines années, attendue depuis deux ans, a fait l’objet d’une ultime consultation qui s’est achevée début avril. Son décret devait être publié en mars, puis à “la fin de l’été”. Finalement il était prêt à être publié le 1er août, mais le Premier ministre y a mis son veto in extremis. La publication du texte avant le vote de confiance devant l’Assemblée nationale semble désormais très incertaine.
“Il y a un plaidoyer très, très important pour une publication de la PPE avant le 8 pour pouvoir avancer ce dossier qui traîne depuis quatre ans”, a-t-on indiqué dans l’entourage de Marc Ferracci. Le ministre de l’Energie a ainsi déploré l’instabilité politique, la qualifiant de “poison” pour l’industrie. “On mène un gros travail de conviction pour que le décret soit publié cette semaine mais c’est bloqué au niveau du Premier ministre qui est le seul à pouvoir le signer. Il faut qu’il le fasse”, plaide auprès de Novethic Jules Nyssen, le président du Syndicat des énergies renouvelables (SER).
“Pressions politiques”
“Le 31 juillet, une réunion au sommet entre François Bayrou et Marc Ferracci s’était conclue sur un accord pour publier le décret de la PPE3 au Journal officiel le lendemain, vendredi 1er août”, poursuit Jules Nyssen. Un communiqué de presse du ministère de l’Energie avait même été publié avant d’être retiré, à la demande du Premier ministre. Celui-ci s’en est ensuite expliqué auprès de l’AFP. “J’étais prêt à le publier quand j’ai mesuré que les groupes parlementaires n’avaient été ni suffisamment associés, ni correctement informés de sa publication. Ce n’est pas ma manière de voir les choses. Je pense que quand on prend des décisions de cet ordre, il faut que tout le monde soit associé si possible, informé à coup sûr. Des textes de cette importance ne peuvent pas être pris par surprise”, a-t-il déclaré.
Entretemps, les chefs des groupes parlementaires ont été prévenus de la publication de la PPE3 et ont dû réagir assez vivement pour que le Premier ministre décide de reculer. “La publication de la PPE devait être un non-événement et en est devenu un à cause de ce retour en arrière. Elle est revenue dans le champ de la politique politicienne. Marine Le Pen en a fait un instrument de chantage sur la question du budget”, regrette le président du SER. “Le Premier ministre a fait l’objet de pressions politiques”, confirme à Novethic Nicolas Goldberg, expert chez Colombus Consulting et responsable Énergie chez Terra Nova. Le RN réclame ainsi de passer par la loi et d’attendre la fin de la navette parlementaire sur la proposition de loi dite Gremillet, qui doit reprendre à la rentrée. “Je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée de passer un décret à la veille d’un vote de censure, quelle légitimité aura-t-il ?” s’interroge également le spécialiste.
“Pas de politique énergétique”
A quelques jours du vote de confiance, ni Matignon, ni le ministère de l’Energie, n’ont répondu à nos sollicitations pour clarifier le calendrier de la PPE3. Les industriels du secteur, que ce soit dans le nucléaire ou dans les énergies renouvelables, réclament pourtant un cap clair. Le texte, attendu depuis deux ans déjà, est indispensable pour lancer des appels d’offres, sécuriser des investissements, prévoir les infrastructures, et anticiper les besoins de formation et d’emploi.
“La France n’a pas de politique énergétique, a ainsi fustigé Catherine MacGregor, directrice générale d’Engie, lors de la Rencontre des entrepreneurs de France (Medef). Nous n’avons pas réussi à voter une PPE pourtant tellement débattue. Ça fait quatre ans qu’on en parle.” Contacté par Novethic, EDF déclare ne pas vouloir faire de commentaire sur ce sujet. L’énergéticien a pourtant lui aussi besoin d’assurer son avenir dans le nucléaire. La PPE2, toujours en vigueur, acte en effet une baisse de la production d’électricité nucléaire. Contrairement à la précédente PPE 2016-2023 qui prévoyait de fermer 12 réacteurs nucléaires, la PPE3 vise une relance du nucléaire. Elle prévoit aussi de baisser la part des énergies fossiles de 60 à 30% d’ici 2030.