Publié le 29 avril 2024

Face aux effets du changement climatique sur les ressources en eau, la commune de Grimisuat en Suisse a fait le choix de limiter le nombre de ses habitants. Une décision “logique” pour cette ville où l’or bleu se fait rare, qui pourrait inspirer d’autres municipalités.

C’est une décision inédite. En Suisse, la commune de Grimisuat a annoncé limiter sa population à 5 000 habitants pour faire face à d’éventuelles tensions d’approvisionnement en eau. Pour cela, la ville qui compte aujourd’hui 3 800 résidents a fait le choix de ne pas planifier de nouvelles zones à bâtir sur son territoire.

“Nos infrastructures et notre réservoir sont prévus pour 5 000 habitants. Nous aurions pu ouvrir de nouvelles zones dans un objectif de croissance, mais au vue des incertitudes qui pèsent sur le climat, nous avons décidé de conserver le statut quo”, explique à Novethic Raphaël Vuigner, président de la commune de Grimisuat. Au rythme actuel, la mesure devrait permettre à de nouveaux résidents de s’installer durant encore dix ou quinze ans. Charge ensuite aux générations suivantes d’élargir ou non la limite posée par la commune.

“Une décision logique”

Le but est avant tout de maintenir la qualité de vie et des ressources en eau des habitants, avance la municipalité. “Pour nous, c’est une décision logique et non un blocage”, estime Raphaël Vuigner. Grimisuat pâti en effet d’une situation géographique particulière, étant l’une des seules communes du pays à n’avoir accès ni à l’eau issue des montagnes, ni à celle des plaines. “Cela nous oblige à l’acheter auprès des villes voisines”, indique le président.

Et par conséquent à surveiller de très près cette précieuse ressource. Dès les années 50, la municipalité a ainsi installé des compteurs d’eau chez les habitants. Plus récemment, elle a investi dans des capteurs pour prévenir les fuites sur son réseau. Une gestion durable qui pourrait inspirer d’autres villes. “Il faudrait que les autres communes, et même celles qui sont moins confrontées aux pénuries d’eau, s’inspirent de Grimisuat”, appuie auprès du Temps Emmanuel Reynard, professeur de géographie physique à l’Université de Lausanne.

Car la pression sur l’eau posée par l’expansion des villes couplées aux impacts du changement climatique dépasse bien largement les frontières de Grimisuat. “C’est aussi un problème régional, rappelle Raphaël Vuigner. Si toutes les communes ouvrent de nouvelles zones à bâtir, nous n’aurons pas assez d’eau pour tout le monde.” D’autant plus que la Suisse commence à son tour à constater les effets de la sécheresse. Bien qu’il abrite 6% des réserves d’eau douce du continent, le “château d’eau de l’Europe” devrait souffrir de plus en plus d’un manque de précipitations.

Multiplication des restrictions

Entre 1994 et 2017, les sécheresses causées par un déficit de neige ont augmenté de 15% dans les Alpes, affirme l’Institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage (WSL) dans un rapport publié en 2023. Ces deux dernières années, le pays a par ailleurs été marqué par plusieurs vagues de chaleur, conduisant à approvisionner des alpages en eau grâce à des hélicoptères ou encore à recourir à de l’eau potable pour augmenter le débit de certaines rivières.

Face à l’urgence, Grimisuat n’est pas la seule ville à chercher des solutions. En 2019, la petite commune suisse d’Enges avait annoncé geler les permis de construire durant deux ans pour préserver ses ressources en eau. Des mesures de restrictions dont s’emparent également un nombre croissant de municipalités françaises. Dans l’Hexagone, la construction de nouvelles piscines a été interdite en 2023 dans les Vosges, les Pyrénées-Orientales et le Var. Un peu plus tôt dans l’année, un collectif de maires du pays de Fayence prenait quant à eux la décision de suspendre toute construction pour une durée de quatre ans.

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