Publié le 3 octobre 2024

Sous pression, la Commission européenne a finalement décidé de reporter d’un an l’application du règlement sur la déforestation. Le texte, critiqué par la droite et l’extrême-droite et dénoncé par les principaux pays producteurs de soja ou d’huile de palme, aurait fait de l’Union européenne un pionnier sur le sujet.

La nouvelle Commission d’Ursula von der Leyen envoie un bien mauvais signal en ce début de mandat. Mercredi 2 octobre, elle a proposé de retarder d’un an l’application du règlement sur la déforestation. Le règlement, qui entend mettre fin à l’importation de produits issus de la déforestation sur le continent tels que le cacao, le café, le soja, l’huile de palme, le bois, la viande bovine ou le caoutchouc, devait entrer en application au 30 décembre 2024. Mais il était de plus en plus critiqué.

Si le Parlement européen et le Conseil approuvent le nouveau texte proposé par Bruxelles, la législation serait applicable au 30 décembre 2025 pour les grandes entreprises et au 30 juin 2026 pour les micro et petites entreprises. “Retarder ce règlement, c’est comme jeter un extincteur par la fenêtre d’un bâtiment en feu. Mettre de côté le seul texte législatif qui aurait un impact énorme sur la lutte contre l’urgence climatique et naturelle est une trahison des générations actuelles sur les futurs citoyens de l’UE et une décision qui reviendra hanter l’Europe”, a réagit Julian Oram, directeur principal des politiques chez Mighty Earth.

Un texte “en danger”

“Compte tenu du caractère novateur du règlement, du calendrier rapide et de la diversité des acteurs internationaux concernés, la Commission estime qu’un délai supplémentaire de 12 mois pour la mise en place progressive du système constitue une solution équilibrée pour aider les opérateurs du monde entier à garantir une mise en œuvre sans heurts”, a justifié la Commission dans sa communication. Elle précise par ailleurs que “plusieurs partenaires mondiaux ont exprimé à plusieurs reprises des inquiétudes quant à leur état de préparation” y compris “pendant la semaine de l’Assemblée générale des Nations Unies à New York“, précise-t-elle.

Mais pour les défenseurs du texte, le risque avec ce report est d’ouvrir la voie à des reculs, voire de vider le texte de sa substance. “C’était l’un des textes clés et des plus consensuels du Pacte vert, il est aujourd’hui en danger”, regrette l’eurodéputée écologiste Marie Toussaint. “Face au risque de rouvrir l’ensemble du texte, j’espère que le PPE s’en tiendra à ce qu’il a demandé et obtenu, et ne s’alliera pas à l’extrême droite pour aller plus loin”, réagit également Pascal Canfin, député européen Renew.

Un tour de passe-passe

Le règlement devait imposer aux entreprises importatrices, responsables de leur chaîne d’approvisionnement, de prouver la traçabilité des produits via des données de géolocalisation fournies par les agriculteurs, associées à des photos satellitaires. Mais la Commission n’avait toujours pas publié les lignes directrices de mise en œuvre de cette législation, indispensables pour que les entreprises puissent respecter leurs obligations. Elle les a publiées mercredi 2 octobre au moment de l’annonce du report. “Ces règles, prêtes depuis plus de six mois, attendaient tout simplement d’être signées. Le retard pris dans la publication de ces lignes directrices ayant été l’argument principal de ceux qui attaquaient cette loi, leur divulgation ce jour constitue au fond un tour de passe-passe pour mieux cacher une nouvelle reddition sur la transition écologique”, souligne Maire Toussaint.

“Les entreprises et Etats retardataires n’auront plus aucune excuse pour ne pas se préparer à la mise en œuvre de ce texte, puisque tous les éléments techniques sont désormais publiés”, renchérit Pascal Canfin. Après l’Indonésie et la Malaisie, principaux producteurs d’huile de palme, le Brésil et les Etats-Unis, pays producteurs de soja, avaient à leur tour réclamé un report du texte. Puis l’Allemagne s’était jointe à l’appel. Pour Berlin, il s’agit d’assurer la signature du Mercosur, un accord de libre-échange entre l’UE et les pays sud-américains défendu par l’industrie allemande, et contre lequel la loi anti-déforestation constitue un obstacle majeur.

À l’origine de 16% de la déforestation mondiale par le biais de ses importations (majoritairement de soja et huile de palme), l’UE est le deuxième destructeur de forêts tropicales derrière la Chine, selon le WWF. Le règlement sur la déforestation pourrait permettre une baisse de la déforestation globale de 10%, selon l’étude d’impact de la Commission. Et ferait de l’Union européenne un pionnier sur le sujet.

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