Publié le 6 décembre 2024

Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne vient d’annoncer la conclusion des négociations politiques avec les pays du Mercosur sur l’accord de libre échange avec l’Union Européenne. En dépit de l’opposition de certains Etats membres, d’une grande partie du monde agricole et des associations environnementales, l’entrée en vigueur de cet accord controversé n’a jamais été aussi proche.

Après des années de controverse, c’est encore une étape franchie vers la conclusion de l’accord commercial de libre échange UE-Mercosur. Depuis l’Uruguay, Ursula von der Leyen s’est félicitée de ce qu’elle qualifie de “victoire pour l’Europe”, après avoir conclu les négociations politiques avec les Etats du Mercosur (Brésil, Uruguay, Paraguay, Argentine). Grâce à cet accord, ces derniers devraient pouvoir importer plus facilement en Europe, et sans frais de douane, leurs produits agricoles notamment les produits issus de l’élevage. Inversement, l’Europe entend augmenter vers ces pays l’exportation de produits manufacturés (voitures, machines, produits pharmaceutiques…).

En dépit de l’opposition de la classe politique de plusieurs pays européens, dont la France, et d’une grande partie du monde agricole, la présidente de la Commission Européenne vient donc de valider un accord commercial controversé. D’ores et déjà, la France a estimé, par la voix de Sophie Primas, ministre démissionnaire déléguée au Commerce extérieur, que cet accord n’engageait que la Commission Européenne, et a maintenu son opposition.

Tensions politiques en Europe

Suite à l’annonce d’Ursula von der Leyen, les syndicats agricoles français ont réitéré leur colère : sur les réseaux sociaux, la Confédération Paysanne a qualifié de “coup de poignard” pour les agriculteurs français et européens l’annonce de la présidente de la Commission, comme Luc Smessaert, vice-président de la FNSEA, interviewé sur FranceInfo. L’organisation européenne des syndicats agricoles majoritaires, le Copa-Cogeca, a de son côté dénoncé un “message catastrophique aux millions d’agriculteurs européens”. Depuis plusieurs mois maintenant, l’accord du Mercosur suscite en effet des crispations de plus en plus fortes du monde agricole et des experts de la protection environnementale dans une partie des pays européens, notamment autour de la question des normes de production agricole.

Si Ursula von der Leyen a assuré que “les standards sanitaires et alimentaires européens restaient inchangés” pour la production agricole, les syndicats agricoles considèrent que l’accord ouvre la porte à une concurrence déloyale en facilitant l’importation de produits n’étant pas soumis aux normes sociales environnementales et sanitaires européennes. En novembre, des milliers d’agriculteurs avaient ainsi manifesté partout en France contre l’accord du Mercosur, alors que la Confédération Paysanne dénonçait  une “course mortifère à la compétitivité” et les risques sanitaires et écologiques associés. Face à ce mouvement, le gouvernement français avait d’ailleurs déclaré le texte “inacceptable en l’état” et l’Assemblée Nationale comme le Sénat avaient rejeté l’accord. La France, mais aussi l’Italie ou encore la Pologne demandent notamment à ce que l’accord prévoit des clauses garantissant les contrôles phytosanitaires et vétérinaires, afin de veiller au respect des normes environnementales et sanitaires des produits importés en Europe.

Une “très mauvaise nouvelle pour le monde agricole et la planète”

Pour entrer en vigueur, l’accord du Mercosur doit encore obtenir la ratification des pays de l’Union Européenne. Il faudra qu’au moins 15 Etats membres, représentant au moins 65% de la population de l’Union Européenne l’approuvent, avant qu’un vote au Parlement ne vienne confirmer l’adoption définitive du traité de libre échange. Les débats pourraient donc encore être très agités entre la coalition des Etats opposés à l’accord, et l’Allemagne ou l’Espagne, qui poussent pour la conclusion de l’accord en espérant des retombées commerciales pour leurs produits manufacturés.

Pour Maxime Combes, économiste à l’Aitec (Association internationale de techniciens, experts et chercheurs), et co-animateur du collectif national Stop-Mercosur, la conclusion de cet accord est “une très mauvaise nouvelle pour le monde agricole, l’alimentation, les emplois et la planète.” De leur côté, plusieurs associations environnementales ont fait part de leur opposition au projet. 400 associations européennes et sud-américaines ont ainsi signé une tribune dénonçant un traité commercial “toxique”, tandis que Greenpeace “dénonce un désastre environnemental, social et humain“, qui pourrait contribuer à l’importation de produits agricoles ayant contribué à la déforestation et à la destruction des écosystèmes. Après les controverses sur les normes environnementales, avec notamment le report du règlement interdisant la déforestation importée, c’est donc un nouveau débat sur l’ambition écologique du continent qui se cristallise autour du Mercosur.

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