Publié le 21 novembre 2024

C’est une victoire pour les opposants à l’autoroute de l’A69. Le rapporteur public a demandé l’annulation de l’autorisation environnementale du projet. Reste à savoir si ses conclusions seront suivies par le tribunal administratif. Dans ce cas, l’A69 pourrait tomber à l’eau, malgré l’état d’avancée du chantier.

“On ne s’attendait pas à ça, c’est une super nouvelle”. Au téléphone, Thomas Brail, militant contre l’A69 se réjouit mais reste prudent. Selon les informations du collectif La Voie est libre, le Rapporteur public a demandé l’annulation de l’autorisation environnementale de l’A69 en raison de “l’absence de raison impérative d’intérêt public majeur justifiant la dérogation espèces protégées”. L’autoroute A69 doit permettre de relier Toulouse à Castres avec une réduction du temps de trajet de 25 minutes par rapport à la nationale actuelle. Mais le projet, qui nécessite la construction d’une portion d’autoroute de 53 kilomètres, est très décrié en raison de son impact environnemental (artificialisation des sols, dégâts sur les zones humides, déforestation…).

Depuis des mois, une mobilisation très forte est organisée par les opposants sur les chantiers de l’A69. Les “écureuils”, ces militants logés dans les arbres empêchant ainsi leur destruction, ont été évacués par les forces de l’ordre. Mais les conclusions du Rapporteur public viennent de donner un nouvel élan à leur manifestation. “Ça conforte et légitime ce qu’on dit depuis des mois. Le rapporteur public a analysé le dossier sur le fond, ce qui n’avait jamais été fait”, réagit auprès de Novethic Thomas Digard du collectif La voie est libre, alors que les recours administratifs ont jusque-là été un échec pour les opposants au projet.

“On garde la tête froide”

Reste à savoir si le tribunal administratif de Toulouse, qui doit examiner le dossier sur le fond, va suivre les conclusions du rapporteur public. L’audience, qui s’ouvre lundi 25 novembre, est très attendue. “Dans 90% des cas le tribunal suit le rapporteur public, on espère ne pas être dans les 10% qui restent. On garde la tête froide”, commente Thomas Digard. D’autant que la situation est loin d’être simple. Les avocats du collectif n’ont eu pour l’instant accès qu’aux “conclusions des conclusions” du rapporteur. Ils découvriront, le jour de l’audience, l’ensemble de l’exposé.

Arnaud Gossement, avocat en droit de l’environnement, appelle ainsi à la prudence. “Le tribunal a deux options. Soit il propose d’annuler purement et simplement l’autorisation environnementale car il considère que Atosca (le concessionnaire, NDR) ne pourra jamais obtenir cette dérogation espèces protégées”, explique-t-il à Novethic. “Soit il régularise en disant à la société qu’il manque cette dérogation et qu’il peut aller la chercher et l’obtenir”. Difficile à ce stade de certifier que la décision du rapporteur public signe ainsi l’arrêt de mort de l’A69. D’autant qu’à partir de lundi 25 novembre, jour de l’audience, il faudra attendre trois semaines avant le jugement du tribunal administratif. Mais si ce dernier va dans le sens des opposants alors “les travaux devraient s’arrêter immédiatement avec remise en état”, précise Arnaud Gossement.

“Les stigmates sont déjà visibles”

Contacté par Novethic, le concessionnaire, Atosca, dit avoir pris connaissance des conclusions du rapporteur public mais ne s’exprimera qu’à l’occasion de l’audience pour faire valoir ses arguments. En attendant, les travaux continuent. Lors d’un point presse le 20 novembre au matin, la société a indiqué que les travaux préparatoires avaient été réalisés, et que les travaux principaux comme la construction des ponts, les terrassements, etc, avançaient. Mais l’enrobé, dont l’installation de l’usine de fabrication à proximité des écoles a créé la polémique dans deux villages, n’est pas prévu avant mi-2025. “Les dégâts sont colossaux, les stigmates sont visibles tout le long du tracé, dénonce Thomas Brail. Mais le bitume n’a pas encore été mis donc la terre n’est pas encore morte. Un autre projet peut être porté”, dit-il, mentionnant ainsi la proposition de La Voie est libre de créer notamment une véloroute et de modifier une voie ferrée.

Du côté de l’Assemblée nationale, l’A69 est aussi un sujet d’actualité brûlante. Le 20 novembre, la Commission développement durable a rejeté la proposition des Insoumis visant à instaurer un moratoire sur les projets autoroutiers, dont celui de l’A69. Le collectif la Déroute des Routes qui a poussé cette proposition avait calculé que l’abandon de 55 projets routiers, dont l’A69, permettrait à la France une économie de 18 milliards d’euros, en plus des gains environnementaux.

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