Interpelée pour ses liens avec le projet d’A69, l’entreprise Pierre Fabre est finalement sortie de son silence. Dans un entretien à La Dépêche du midi, publiée jeudi 14 mars, le directeur général des Laboratoires, Eric Ducournau, a révélé que l’entreprise était entrée au capital du concessionnaire de l’autoroute, Atosca.
“Avec la CCI (Chambre de commerce et d’industrie) du Tarn et une douzaine d’autres entreprises locales, nous avons rejoint la société Tarn Sud Développement qui a pris une participation minoritaire (5,3%) dans Atosca en août 2023”, reconnaît Eric Ducournau.
“Nous avons voulu manifester notre soutien à un projet indispensable pour que le bassin de Castres-Mazamet puisse se développer dans les décennies à venir. De plus, cette participation nous procure un poste privilégié d’observation pour veiller au respect par le concessionnaire de tous ses engagements, en particulier en matière d’environnement et de création d’emplois locaux”, poursuit-il.
“Les soupçons de conflits d’intérêt sont désormais avérés”
L’entreprise n’a jamais caché qu’elle était favorable au projet, voire même qu’elle en était à l’initiative. Dans une lettre publique ouverte, datant de septembre 2022, le directeur général affichait ainsi un “soutien résolu à la réalisation” de l’A69, qui doit relier Toulouse à Castres. Les laboratoires Pierre Fabre ont en outre tissé d’importants liens avec les élus locaux, qui n’hésitent pas à prendre la défense du projet au niveau national et jusqu’aux plus hautes sphères.
Le député Renaissance de la 3ème circonscription du Tarn, Jean Terlier, dont la femme est directrice du marketing au sein du groupe pharmaceutique depuis près de 20 ans, vient ainsi d’être nommé président de la commission d’enquête parlementaire devant étudier le montage juridique et financier du projet. “Les soupçons de conflits d’intérêt sont désormais avérés”, dénonce La voie est libre, dans un communiqué de presse.
Le collectif qui s’oppose à l’A69 demande la démission de Jean Terlier. “Le déontologue de l’Assemblée doit s’exprimer à nouveau sur ce mélange des genres inacceptable, ses précédentes conclusions balayant d’éventuels conflits d’intérêt doivent être révisées au plus vite”, dénonce-t-il.
Un projet dénoncé par 2000 scientifiques et 500 soignants
La veille de ces révélations, une action militante menée par des membres d’Extinction Rebellion, des scientifiques et des soignants ciblait un site Pierre Fabre à Boulogne-Billancourt, en région parisienne. “L’empire Pierre Fabre vient d’atteindre le milliard de chiffre d’affaires pour la seule marque Avène sans avoir eu besoin d’autoroute”, a souligné une militante. L’appel au boycott des produits du groupe, notamment sa marque phare Avène, a également été relayé et les militants promettent de nouvelles actions.
L’étau semble donc se resserrer sur l’entreprise. Le projet autoroutier déjà dénoncé par près de 2000 scientifiques en octobre dernier a également été récemment fustigé par 500 professionnels de santé qui évoquent un “désastre sanitaire à venir”. Sur place, la tension est au plus haut. “Le ravitaillement des militants est toujours interdit par le préfet du Tarn malgré les recommandations du rapporteur de l’ONU, Michel Forst dans son rapport cinglant et malgré la demande du ministère de l’Ecologie”, regrette le collectif Scientifiques en rébellion.