Publié le 22 octobre 2024

Début octobre le mouvement de grève déclenché par le syndicat des dockers ILA destiné à paralyser les 36 ports de la Côte Est a permis d’obtenir une augmentation spectaculaire. Elle illustre une mobilisation syndicale jamais vue depuis 50 ans aux Etats-Unis après celle de Boeing ou Tesla. Un élément important pour les élections présidentielles du 5 novembre que chacun des candidats voudraient capter.

C’est l’histoire d’un leader syndical qui a accédé à une gloire nationale aux Etats-Unis en brandissant la foudre. Harold Dagget, président du syndicat des dockers, International Longshoremen’s Association a lancé une grève le 1er octobre pour paralyser la trentaine de ports de la côte est, en ces termes : “Dans le monde où nous vivons, je vais vous briser. Je vous paralyse, et vous n’avez aucune idée de ce que cela implique.” A priori une perte estimée à 5 milliards de dollars par jour pour cette première depuis 1977 ! Quand Harold Dagget harangue les grévistes, cela donne : “Les compagnies maritimes font des fortunes en Europe et elles n’en ont rien à faire de nous. Nous allons leur montrer comment elles ne peuvent pas survivre longtemps sans nous”.

Le bras de fer s’est transformé en blitzkrieg puisqu’en trois jours de grève les dockers ont obtenu une augmentation de 62 % étalée sur six ans. Le contrat cadre qui arrivait à échéance début octobre, est prolongé jusqu’en janvier pour négocier d’autres points comme les garanties liées à la disparition des emplois générées par l’automatisation du chargement des containers. Entre temps Harold Dagget est devenu la grande gueule du moment et l’objet de sérieuses controverses de ses liens avec Donald Trump à son salaire de plus de 900 000 dollars annuels versés par l’ILA.

Bataille de récupération

Le syndicat ne soutient pas officiellement Donald Trump et la date de la grève des dockers a été déterminée officiellement par la fin de l’accord cadre sur les conditions de travail des dockers mais l’enjeu politique est clef. Donald Trump a été massivement élu, en 2016, par les électeurs de la “ceinture de la rouille” (rust belt). Ce terme désigne les anciens Etats industrialisés aux prises avec la rouille puisque les usines ont fermé. Il tente de faire revivre l’élan crée par “Make America Great Again” auprès de cet électorat qu’incarne bien Harold Tagget même s’il est beaucoup plus riche que cette classe moyenne blanche en pleine perdition.

Kamala Harris peut miser sur un positionnement plus social qui se traduit par le soutien appuyé du plus grand syndicat américain l’AFL CIO. L’organisation qui rassemble 60 organisations et représente plus de 12,5 millions de travailleurs a voté cet été en sa faveur en affirmant publiquement “Qu’il s’agisse de s’attaquer à Wall Street et à la cupidité des entreprises ou de mener des efforts pour étendre les services de garde d’enfants abordables et soutenir les travailleurs vulnérables, Kamala Harris a montré à maintes reprises qu’elle était de notre côté.”

Cet avis n’est pas partagé par tous les mouvements syndicaux. D’autres ont choisi de rester neutres comme le syndicat des routiers, les Teamsters. Soutien historique des Démocrates, il a annoncé en septembre qu’il ne soutiendrait aucun des deux candidats après avoir été tenté par sa base de rallier Donald Trump. Quel que soit le résultat des élections, le ou la future président.e va devoir affronter une situation sociale explosive où l’inflation et les inégalités de richesse conduisent à une reprise des mouvements de grève jamais vu depuis les années 70. La grève déclenchée par les 33 000 salariés de Boeing aura par exemple au moins duré cinq semaines.

Boeing, Tesla… le mouvement syndical renaît

Elle pourrait se terminer mercredi 23 octobre si les 33 000 grévistes votent l’accord sur les 35 % d’augmentation finalement proposé ce week-end à l’issue d’âpres négociations.

Fin 2023, une autre enseigne emblématique américaine Starbucks avait fait l’objet d’un vaste mouvement pour obtenir de meilleures conditions de travail et moins de précarité. Signal supplémentaire que les pratiques anti-syndicales et hostiles à toute revendication collective très répandues chez les dirigeants américains d’entreprises pourraient avoir de plus en plus de difficultés si Kamala Harris gagne. Donald Trump en revanche met en avant son meilleur supporter Elon Musk, adepte des pratiques antisyndicales chez Tesla qui lui ont même valu un boycott en Europe du Nord fin 2023. Le rapport de force sorti des urnes américaines sera donc décisif sur les droits sociaux aux Etats Unis et bien au-delà.

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