“Les règles de durabilité sont essentielles à la compétitivité européenne”. C’est la position défendue par près de 200 organisations européennes, dont 150 investisseurs et entreprises, dans une déclaration commune publiée il y a quelques jours. Parmi ces organisations, on retrouve des grandes entreprises européennes (EDF, Nokia, Ikea, Vattenfall, Oatly), des investisseurs (Allianz, GLS Bank, Mirova, Nordea, Triodos Bank) et des institutions européennes (Corporate leaders group Europe, Forum européen de l’investissement durable…). Elles rappellent notamment que “les règles sur le reporting de durabilité, les plans de transition, les objectifs climatiques, et le devoir de vigilance sont des piliers pour atteindre les objectifs économiques et de soutenabilité de l’Union européenne”.
“Grâce au Pacte vert, l’Union Européenne a dix ans d’avance dans la révolution industrielle verte. Ce qui est en jeu, c’est notre santé, la compétitivité de nos entreprises, notre bien-être et notre souveraineté”, explique ainsi Carine de Boissezon, directrice de l’impact chez EDF. Face à la proposition de loi omnibus visant à modifier le Green Deal européen, et face aux projets de dérégulation portés notamment par la droite et l’extrême-droite européennes, les signataires appellent l’Europe à “une simplification qui ne compromette pas la substance des règles de durabilité et leurs bénéfices pour les entreprises de l’UE”.
“Une simplification intelligente est possible”
Les organisations rappellent notamment que le reporting instauré par la CSRD “a été introduit pour remédier aux principales lacunes des réglementations existantes”, et pour fournir un cadre plus solide de transparence en matière sociale et environnementale, notamment pour les investisseurs. Ces règles de reporting “garantissent que les entreprises fournissent des données complètes et fiables pour les décisions d’investissement et les actions transformatrices”, explique Günther Thallinger, membre du directoire de l’assureur allemand Allianz. La double matérialité, qui oblige les entreprises à rendre compte de l’impact de leurs activités sur l’environnement ou en matière sociale est “nécessaire”, “pour répondre à l’ampleur des besoins en données des investisseurs et garantir des rapports comparables entre les sociétés d’un portefeuille”, écrivent encore les signataires.
Le devoir de vigilance, qui contraint les grandes entreprises à veiller au respect des droits humains et environnementaux tout au long de leur chaîne de valeur, est quant à lui vu comme un avantage pour les entreprises européennes permettant de réduire “leur exposition aux préjudices opérationnels, réputationnels, juridiques et financiers.” Dans ce cadre, la mise en place des plans de transition climatique, est “un outil essentiel pour favoriser la transition vers une économie durable et compétitive, conformément au Clean industrial deal de l’UE.” “Là où une simplification intelligente est possible, ajustons la réglementation, mais nous devons maintenir le cap et en être fiers pour affirmer notre leadership, nos normes, notre vision”, lance Carine de Boissezon.
Des amendements déposés au Parlement européen pour préserver l’ambition de durabilité
Depuis le début de l’année, plusieurs coalitions d’entreprises se sont ainsi positionnées pour défendre les règlementations européennes de durabilité face aux propositions de dérégulation poussées par la droite et l’extrême droite en Europe. A Bruxelles, les débats continuent par ailleurs de diviser les forces politiques, les socio-démocrates, la gauche, les verts et une partie du groupe Renew tentant de maintenir l’ambition du Green Deal. Ces derniers jours, des députés ont ainsi déposé une série d’amendements visant à trouver un compromis garantissant la préservation des règles de durabilité. “Nous croyons qu’il est possible d’aller de l’avant, fondé sur des faits et des expertises, plutôt que sur des postures politiques”, explique ainsi Lara Wolters, eurodéputée socio-démocrate, rapporteuse du devoir de vigilance européen voté l’an dernier.
Parmi ces amendements, la proposition de répartir les entreprises dans trois catégories par rapport à leurs obligations de durabilité (soumise, partiellement soumise, non soumise), pourrait trouver un consensus. Il s’agirait, comme l’expliquait l’eurodéputé Renew Pascal Canfin lors d’une conférence en ligne il y a quelques jours, de permettre aux entreprises de taille intermédiaire, partiellement soumises, d’effectuer leur reporting social et environnemental avec des contraintes allégées : audit limité, nombre d’indicateurs restreints… Le Parlement a jusqu’au mois d’octobre pour adopter sa position, avant que le trilogue ne débute pour de bon et aboutisse à un compromis.
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