La filiale Noovistago de Metex (Metabolic Explorer), installée à Amiens, est le principal producteur de lysine en Europe. Placée en redressement judiciaire le 20 mars, elle symbolise les enjeux de souveraineté au cœur de la transition écologique. 450 personnes ont manifesté lundi 25 mars devant le site pour défendre les près de 300 emplois menacés mais aussi pour soutenir l’avenir de cette industrie. Aux côtés des salariés se trouvaient plusieurs élus de gauche et têtes de listes aux Européennes. Le soir même, une autre filiale de Metex, basée à Carling, en Moselle, était aussi placée en redressement judiciaire.
La lysine entre dans la composition de l’Aspégic, un médicament contre les douleurs et fièvres. Elle sert aussi de complément alimentaire pour favoriser la croissance des porcs et des volailles d’élevage. Or Metex synthétise la lysine à partir de la fermentation du sucre dont le prix a explosé ces deux dernières années face à des enjeux climatiques, mettant l’entreprise en difficulté. A cela s’est ajoutée l’augmentation des prix de l’énergie. “Si on ferme cette usine, personne ne sera en mesure de relancer la production d’acides aminés à cette échelle en Europe”, affirme Rudolph Hidalgo, directeur général adjoint de Metex, auprès de nos confrères de l’Usine Nouvelle.
Une lysine 5 fois mois émettrice de CO2 qu’en Chine
La concurrence avec le sucre chinois est rude. Metex affirme acheter son sucre autour de 800 à 900 euros la tonne, 300 à 400 euros au-dessus du sucre chinois. “Rien ne dit que les fournisseurs chinois ne remonteront pas leurs prix par la suite”, poursuit Rudolph Hidalgo. Un sujet sensible alors que la demande explose. Le marché européen des acides aminés, dominé par la lysine et la méthionine, s’élève à plus de 2 milliards de dollars en 2024″ et devrait atteindre 2,6 milliards de dollars d’ici 2029 selon Mordor Intelligence, un cabinet d’étude de marché.
Les enjeux sont aussi écologiques. Selon Metex, sa production de lysine émet cinq fois moins de CO2 que celle fabriquée en Chine. Pour y arriver, elle utilise un sucre produit localement à partir de betteraves et bénéficie d’un mix énergétique moins carboné. Plus globalement, les compléments alimentaires entrent dans l’arsenal des solutions envisagées pour réduire l’impact carbone de l’élevage. “Augmenter le rendement, c’est aussi réduire les pertes”, explique auprès de Novethic Jean-Baptiste Dollé, chef de mission environnement à l’Institut de l’élevage.
Depuis quelques mois, l’organisme étudie diverses solutions nutritionnelles dans le but de référencer celles qui ont fait leurs preuves, confie en avant-première le chef de mission. Parmi les innovations recherchées se trouve par exemple la réduction des émissions de méthane des bovins par des compléments alimentaires comme la lysine.
“Toute ce qui peut réduire les impacts représente une opportunité”
“Pour atteindre les objectifs de réduction des émissions de CO2, toute action qui peut réduire les impacts représente une opportunité et doit être analysée”, appuie Jean-Baptiste Dollé, même si seules, ces solutions ne peuvent suffire. D’autant plus que les résultats sont très variables. “D’un fabricant à l’autre, les compléments alimentaires n’ont pas les mêmes effets, il faut expertiser chaque solution pour apprécier les gains réels”, précise-t-il. Les potentiels effets secondaires ainsi que les modèles économiques doivent aussi être étudiés alors que ces démarches s’inscrivent dans une recherche productiviste. En bio, les compléments alimentaires de synthèse par exemple sont interdits, l’apport de lysine provenant uniquement de l’alimentation.
Des négociations sur le prix avec les sucriers sont en cours, affirme l’Etat, pour qui Metex représente un enjeu de souveraineté alimentaire et pharmaceutique majeur. Metex a par ailleurs déposé une plainte anti-dumping auprès de la Commission européenne, mais “elle ne pourra donner lieu à une procédure anti-dumping qu’une fois que nous aurons réussi à faire la preuve de la viabilité de l’usine d’Amiens”, souligne l’État.