Publié le 16 janvier 2024
Au rayon des bonbons, l’addition devient salée. En fin d’année, le prix du sucre s’est envolé pour atteindre son niveau le plus haut depuis 2011 en raison des épisodes de sécheresse qui ont frappé l’Inde et la Thaïlande, les deux plus grands exportateurs de sucre au monde derrière le Brésil. Après le riz, les oignons ou encore les tomates, c’est une nouvelle fois la crise climatique – accentuée par le phénomène El Niño - qui est pointée du doigt dans cette envolée des prix.

Le changement climatique menace plus que jamais la table du petit-déjeuner. Après le café, le cacao, les oranges, c’est au tour du sucre d’être victime des aléas climatiques. En quelques mois, le cours du sucre s’est envolé sur les marchés mondiaux, jusqu’à atteindre son niveau le plus haut depuis 2011, selon le Fonds monétaire international. En cause : une baisse attendue de la production en Inde et en Thaïlande, les deux plus gros producteurs et exportateurs de sucre derrière le Brésil, en raison de la sécheresse qui sévit depuis plusieurs mois en raison de la crise climatique, accentuée par le phénomène El Niño.
La production de sucre de l’Inde devrait ainsi tomber à 33,7 millions de tonnes en 2023-2024, contre 36,6 millions de tonnes au cours de la saison précédente, soit une baisse de près de 8%, d’après les chiffres de l’Indian Sugar Mills Association (ISMA). Le pays, également plus grand consommateur de sucre, a restreint en fin d’année ses exportations. Et la situation est identique en Thaïlande où la production a également baissé de 15%, passant de 11 millions de tonnes en 2022-2023 à 9,4 tonnes.

"L’inflation climatique existe et elle s’aggrave"


De l’autre côté de l’Atlantique, cela se ressent déjà à la caisse où les consommateurs américains ont vu les prix du sucre et des sucreries augmenter de 8,9% en 2023, et une nouvelle augmentation de 5,6% est attendue cette année. Ce qui a contraint Mondelez propriétaire de Cadbury, Oreos ou encore Toblerone, à répercuter cette hausse sur les prix de leurs produits.
Pour Gernot Wagner, économiste du climat à l’Université de Columbia, si les grandes entreprises ont des raisons différentes pour justifier la hausse des prix, l’influence du changement climatique ne peut être ignorée. "Les conditions météorologiques extrêmes affectent l’alimentation : il y a un an, c’étaient les avocats, maintenant c’est le sucre". "L’inflation climatique existe et elle s’aggrave", a-t-il expliqué à nos confrères du Guardian.
Et cela ne devrait pas s’améliorer prochainement. Selon Joseph Glauber, chercheur à l’Institut international de recherche sur les politiques alimentaires, "il ne fait aucun doute que le prix du sucre est très, très élevé et le restera jusqu’à ce que le phénomène El Niño s’atténue". Car l’ "enfant terrible du Pacifique", qui est entré en action au début de l’été, devrait affoler les températures encore pendant quelques mois.

Une menace pour la sécurité alimentaire


"Le problème sera l’abordabilité, alerte Joseph Glauber. Aux États-Unis et dans d’autres pays à revenu élevé, il y aura une augmentation du coût de l’alimentation qui sera ressentie par les ménages, en particulier les ménages les plus pauvres, mais c’est une autre histoire pour les pays où 40% des dépenses sont consacrées à l’alimentation, qui seront considérablement touchés". Parmi eux, les pays en développement, et plus particulièrement ceux qui dépendent du sucre pour augmenter leur apport calorique quotidien, sont fortement touchés, note l’expert. Le Nigéria, par exemple, achète 98% de son sucre brut à l’étranger.
Mais cette nouvelle crise n’est que la partie émergée de l’iceberg, puisque l’inflation alimentaire mondiale pourrait atteindre jusqu’à 3% par an d’ici les années 2030 en raison de la crise climatique si les travaux d’adaptation ne sont pas entrepris, signale la Banque centrale européenne. Et d’autres cultures pourraient pâtir des hausses de température qu’induit la crise climatique, accélérant ainsi l’insécurité alimentaire qui frappe déjà 2,4 milliards de personnes en 2022, selon le dernier rapport des Nations Unies. 
Blandine Garot

Découvrir gratuitement l'univers Novethic
  • 2 newsletters hebdomadaires
  • Alertes quotidiennes
  • Etudes