Publié le 6 mars 2025

Quelques jours après la publication des propositions de “simplification” de la Commission européenne pour la directive sur le reporting de durabilité, c’est le flou pour les entreprises. Qui sera concerné par les obligations de la CSRD ? Quand les révisions entreront-elles en vigueur ? Que faire en attendant ? L’incertitude domine et pourrait bien freiner la dynamique de transition des entreprises.

La révélation par la Commission européenne il y a quelques jours du projet de “loi omnibus” pour réviser les grandes normes du Green Deal a déchaîné les débats dans le monde de l’entreprise et en particulier dans le secteur de la Responsabilité sociale des entreprises (RSE). La directive CSRD sur le reporting social et environnemental des entreprises, celle sur le devoir de vigilance ou encore la taxonomie verte sont ainsi sous la menace d’un projet massif de dérégulation, qui a suscité de vives réactions parmi les acteurs de la transformation durable.

Mais après le constat, c’est le flou qui commence à s’installer chez les acteurs du secteur. La révision prévue de la CSRD suscite notamment les questionnements : quelles seront concrètement les modifications apportées au texte ? Quand entreront-elles en vigueur ? Que faire en attendant ? “On part pour un an d’incertitudes“, résume ainsi auprès d’AEF Caroline Neyron, directrice générale du Mouvement Impact France, organisation patronale d’entreprises engagées dans la transition écologique.

Insécurité juridique, frein à la dynamique de transformation des entreprises

La dirigeante évoque notamment ces nombreuses entreprises qui avaient déjà commencé à travailler sur leurs obligations en matière de reporting, et qui se retrouvent en situation “d’insécurité juridique voire de distorsion de concurrence” alors que les cadres établis depuis de longues années par les instances européennes sont brutalement remis en cause. En effet, une partie des entreprises concernées dès cette année par la directive (les entreprises au-delà de 500 salariés) pourraient se voir in fine exemptées alors qu’elles ont déjà engagé les efforts et les dépenses de mise en conformité. D’autres au contraire, qui devaient être assujetties au reporting en 2026 ou en 2027, ne seraient désormais plus du tout concernées par le reporting obligatoire… Pour les autres, difficile de savoir à quoi ressembleront les standards de reporting qui doivent encore être révisés.

Or tout cela est encore au conditionnel, puisque les révisions proposées par la Commission européenne pourraient encore être modifiées de façon substantielle lors des débats qui vont s’ouvrir sur le sujet au Parlement européen et au Conseil. “Nous sommes dans un moment de fragilisation, qui risque de freiner la dynamique de transformation des entreprises”, résume Caroline Neyron.

En off, plusieurs consultants et responsables RSE expliquent ainsi à Novethic leurs difficultés à faire avancer ces enjeux dans le contexte actuel. Certains parlent ainsi d’une “omerta” autour des sujets CSRD dans les entreprises. “Les directeurs RSE n’osent même plus parler du sujet à leur direction”, explique ainsi un spécialiste du secteur. “En plus de l’incertitude, les entreprises n’ont plus de budget à mettre dans la RSE, l’activité est à l’arrêt“, confie ainsi un acteur du secteur. “Cela va même plus loin que la mise en pause des projets CSRD, cela remet même en question l’engagement dans la RSE pour certains de nos clients ou prospects”, abonde un autre consultant spécialisé sur la CSRD.

Les risques du renoncement

Beaucoup craignent que la remise en cause du Green Deal et l’ambiance d’incertitude mettent tous les projets à l’arrêt. Les acteurs du secteur encouragent d’ailleurs les entreprises à ne pas sacrifier leurs efforts en matière d’engagements RSE ou de reporting, en attendant d’y voir plus clair. “Terminez votre analyse de double matérialité si elle est en cours, si vous ne l’avez pas commencée, faites la […] elle vous protège dans tous les scénarios”, lance ainsi sur LinkedIn Thomas Pinet, consultant spécialisé sur la CSRD. L’analyse de double matérialité est une étude des risques et impacts sociaux, environnementaux et de gouvernance qui est au cœur du reporting CSRD.

Ludovic Flandin, expert du secteur, est quant à lui convaincu que le reporting de durabilité va de toute façon continuer à se développer. “La demande des investisseurs et des parties prenantes pour le reporting RSE continue et ils veulent avoir un reporting solide “gold standard””, explique-t-il à Novethic. “Beaucoup de nos clients ont entre 250 et 1000 collaborateurs mais nous disent qu’ils veulent continuer pour le moment”, ajoute l’expert. De son côté, Noël Bauza, qui outille également les entreprises sur le sujet, abonde : “les clients comprennent que la RSE est une vague qu’ils se prendront, soit par le réglementaire, soit par le marché”.

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