Publié le 14 juillet 2024

La colère gronde chez Samsung Electronics. Pour la première fois, les salariés sud-coréens de la société ont entamé une grève illimitée afin de réclamer une hausse des salaires et de meilleures conditions de travail. Une mobilisation inédite au sein de ce géant de la tech, habitué jusqu’à peu à la répression anti-syndicale.

Bandeau rouge noué sur la tête, des centaines de salariés lèvent le poing à l’unisson en scandant des slogans. La scène, impressionnante, se déroule à Hwaseong, en Corée du Sud, où se situe l’une des lignes de production du géant Samsung Electronics. “Nous sommes en train d’écrire l’histoire”, affirme Son Woo-mok, dirigeant du NSEU, l’unique syndicat du groupe tardivement formé en 2019. L’instance représentative a appelé mercredi 10 juillet à une grève “illimitée” afin de contraindre la direction à négocier.

Un mouvement social inédit, qui fait suite à un premier débrayage d’une journée, en juin dernier, puis à une grève de trois jours, planifiée du 8 au 10 juillet. “Depuis 10 ans, [Samsung] a utilisé l’argument de la crise économique pour réduire les avantages de ses salariés et bloquer les augmentations alors que ses dirigeants bénéficiaient de primes à la performance”, regrette Son Woo-mok auprès du quotidien Kyunghyang Shinmun, cité par Le Parisien. Il y a quelques jours, la société annonçait un bénéfice d’exploitation multiplié par 15 au deuxième trimestre sur un an grâce à un rebond des prix des puces et à une hausse de la demande pour ses produits utilisés pour l’IA.

“Nous sommes confiants quant à la victoire”

Malgré la mobilisation de plus de 5 000 employés, les négociations sont néanmoins au point mort. “La direction semble penser que si elle répond facilement aux demandes du syndicat, elle pourrait créer un précédent pour des actions similaires à l’avenir”, souligne Shin Se-don, professeur d’économie à l’université de Sookmyung, dans les colonnes du Korea Herald. Le NSEU, qui rassemble plus d’un cinquième de l’effectif total de l’entreprise, demande depuis janvier 2024 une augmentation des salaires, l’amélioration des congés annuels ainsi qu’une plus grande transparence concernant les primes.

La direction “finira par s’agenouiller et s’asseoir à la table des négociations. Nous sommes confiants quant à la victoire”, fait valoir le syndicat, évoquant une “perturbation évidente de la production”. De son côté, Samsung affirme à l’AFP que la grève n’affectera pas son activité. “Samsung Electronics veillera à ce qu’aucune perturbation ne se produise sur les lignes de production”, déclare un porte-parole. “L’entreprise reste engagée dans des négociations de bonne foi avec le syndicat”, ajoute-t-il.

Les usines de semi-conducteurs étant hautement automatisées, la demande en main d’œuvre est faible et il est probable que la grève n’ait pas de gros impact, estime Avril Wu, analyste du groupe de recherche TrendForce, interrogé par l’AFP. Mais il est aussi important de savoir “comment la direction de Samsung s’est préparée (…) et a déjà [anticipé] en simulant des solutions pour résoudre ce problème rapidement”, note Neil Shah, vice-président de Counterpoint Research. Car il s’agit bien d’une première au sein du groupe Samsung.

Une syndicalisation tardive

Pendant près de 50 ans, la société a empêché la syndicalisation de ses employés usant parfois de méthodes violentes, selon ses détracteurs. Les salariés porteurs de revendications étaient surveillés, voire limogés. “Pour éviter d’être accusés de conditions de travail abusives, licenciez les principaux leaders avant le lancement d’un syndicat”, rapportent des documents internes rédigés en 2012 et dont BFMTV a eu accès. Le fondateur de l’entreprise lui-même, Lee Byung-chul, était catégoriquement opposé aux syndicats. Décédé en 1987, il affirmait qu’il ne les autoriserait jamais, “jusqu’à ce qu’[il] ai[t] de la poussière sur les yeux”.

Cette mobilisation intervient dans un contexte social tendu pour les entreprises de la tech. En décembre 2023, Tesla en faisait les frais dans ses ateliers suédois, après avoir refusé de signer des accords collectifs sur les salaires. Quelques mois plus tôt, ce sont les salariés français d’Apple qui débrayaient pour demander “un meilleur partage des richesses”.

Découvrir gratuitement l'univers Novethic
  • 2 newsletters hebdomadaires
  • Alertes quotidiennes
  • Etudes