Publié le 14 octobre 2024

Yves Rocher, Casino, ou encore Lactalis… Près de 20% des entreprises soumises au devoir de vigilance sont hors des clous. Ces dernières sont pourtant dans l’obligation de mettre en œuvre un plan de vigilance et des mesures permettant de prévenir les atteintes aux droits sociaux et environnementaux.

Sept ans après son instauration dans la loi française, le devoir de vigilance est encore trop peu pris au sérieux par les entreprises françaises. Alors que la loi impose aux grandes sociétés françaises de mettre en oeuvre un plan de vigilance et des mesures permettant de prévenir les atteintes aux droits sociaux et environnementaux sur l’ensemble de leurs chaînes de valeurs, le Radar sur le devoir de vigilance, réalisé par les associations Sherpa, CCFD – Terres solidaires et la société coopérative Datactivist, montre que les retards s’accumulent en matière de conformité pour de nombreuses grandes entreprises.

Les analystes du Radar du devoir de vigilance ont passé au peigne fin les documents publiés par les entreprises françaises soumises à la loi sur le devoir de vigilance, et ont constaté que plusieurs, dont notamment Euro Disney, Picard, Bigard, mais aussi Edenred, Pierre Fabre ou encore McDonald’s France n’avaient toujours pas élaboré de plan de vigilance comme le leur impose la loi.

Devoir de vigilance : opacité et retard en matière d’application de la loi

Au total, 57 entreprises sur 279 concernées, soit environ 20%, n’auraient ainsi pas publié leur plan, alors qu’aucune autorité indépendante n’est chargée de vérifier la mise en conformité des acteurs économiques sur le sujet. Ces manquements montrent que le sujet a encore du mal à infuser dans les entreprises, et ce, malgré le développement ces dernières années d’une véritable jurisprudence dans les tribunaux judiciaires autour du devoir de vigilance. Alors que se profile la loi sur le devoir de vigilance européen, votée en avril dernier, et qui élargit considérablement le nombre d’entreprises concernées, le retard en matière d’application de la loi française est particulièrement criant.

D’une manière générale, les associations dénoncent aussi “l’opacité persistante” autour de l’application du devoir de vigilance des grandes entreprises en France, alors qu’aucune base de données publique officielle ne permet de répertorier l’état des pratiques ou des avancées des entreprises en la matière. En conséquence, il est évidemment difficile pour les parties prenantes concernées (associations, citoyens, communautés locales) de se servir de cet outil pour faire valoir leurs droits. D’autre part, peu d’entreprises semblent avoir pris la mesure des obligations à mettre en place en matière de vigilance : “certains plans publiés ont l’air particulièrement faibles” explique Clara Alibert, chargée de plaidoyer chez CCFD – Terres Solidaires, qui rappelle que la loi oblige à “publier, mais surtout à mettre en oeuvre des mesures correctement identifiées et adaptées aux différents contextes.” “Le devoir de vigilance est une obligation de moyens continue” résume-t-elle.

De plus en plus de procédures judiciaires en cours

Le Radar constate également la hausse du nombre de procédures contre les entreprises au nom de la loi sur le devoir de vigilance. Treize affaires ont ainsi été lancées depuis 2017 devant la justice contre des entreprises accusées de ne pas avoir mis en place les mesures nécessaires pour anticiper et prévenir les violations des droits humains ou environnementaux liées à leurs activités, et au total une trentaine de mises en demeure ont été envoyées. TotalEnergies et EDF seront ainsi prochainement jugées des manquements à leur responsabilité, respectivement en matière climatique et de droits humains, après les décisions de la cour d’appel de Paris en juin dernier, alors que Yves Rocher, Casino, BNP Paribas ou encore Lactalis et Danone ont également été assignés en justice.

Pour l’heure, le devoir de vigilance n’a donné lieu qu’à une seule condamnation, pour le groupe La Poste pour manquements en matière de vigilance liée au respect des droits des travailleurs. Mais cela pourrait rapidement évoluer, au fur et à mesure que les tribunaux se structurent pour faire face au nouvel enjeu juridique que constitue le devoir de vigilance, et que les affaires se font de plus en plus nombreuses. Et avec la loi sur le devoir de vigilance européen, et l’arrivée d’autorités de contrôle nationales indépendantes, la tendance pourrait encore s’accélérer, obligeant les entreprises à se mettre rapidement en conformité.

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