Le retour en arrière continue pour Unilever en matière de durabilité. Après avoir déjà réduit ses engagements en matière de transition écologique et social en 2024, le géant de l’agro-alimentaire a annoncé modifier la gouvernance de sa direction durabilité : finie la direction du développement durable autonome d’Unilever, qui sera désormais placée sous le contrôle de la direction de la communication.
Le PDG du groupe, Hein Schumacher, a ainsi annoncé dans un mémo interne révélé par le Financial Times sa décision de “regrouper” le développement durable avec la communication externe et les affaires publiques. Un choix qui fait polémique auprès des experts de la durabilité, et sonne comme un symbole d’un recul pour les ambitions écologiques et sociales d’Unilever, autrefois considéré comme “pionnier” dans le domaine.
“Retour à l’époque du story telling” chez Unilever
Interrogé par Novethic, Bertrand Desmier, expert de la RSE (Responsabilité Sociale des Entreprises) voit dans cette fusion des fonctions durabilité et communication “un mauvais signal”. “C’est un retour en arrière tout à fait surprenant” explique-t-il, “un retour à l’époque où le story telling et les photos prédominaient” en matière de transformation durable des entreprises. Le rattachement de la direction du développement durable à la communication était en effet fréquent dans les années 2000, époque où les thématiques liées à la transition écologique et sociale étaient encore largement perçues commes des enjeux d’image et de réputation, et traitées avec une posture de communicant. “Cette fusion risque d’accentuer encore cette posture, au détriment de la matérialité, au détriment des indicateurs clés de performance” analyse Bertrand Desmier.
Avec cette décision, Unilever se place d’ailleurs en décalage avec les tendances observées dans la plupart des grandes entreprises. Ces dernières années, la plupart d’entre elles se sont en effet dotées d’un département autonome dédié à la durabilité, généralement rattaché à la direction générale en signe de l’importance stratégique accordée aux enjeux sociaux et environnementaux, comme le montrait l’étude menée par l’Observatoire de la RSE et le cabinet Des Enjeux et des Hommes.
Risque de greenwashing
Pour le spécialiste anglais de la durabilité Jonathan Porritt, interrogé dans le Financial Times, “aucune entreprise sérieuse en matière de développement durable ne devrait chercher à réunir ces deux fonctions.” L’expert pointe les conflits d’intérêt entre un département des affaires publiques qui doit prioriser les intérêts financiers et réputationnels de l’entreprise et la fonction de durabilité, qui doit au contraire agir en prenant en considération les enjeux extra-financiers et les externalités sociales et environnementales. En fusionnant les fonctions, on multiplie alors les risques de greenwashing et autres communications trompeuses en matière environnementale.
C’est Rebecca Marmot, qui a commencé sa carrière dans la communication avant de rejoindre les affaires publiques, puis le développement durable chez Unilever, qui dirigera ce département communication / durabilité. En tant que directrice de la durabilité, elle portait également le titre de Vice-Présidente globale de l’entreprise. Une fonction qu’elle a perdue en 2019 après le départ de Paul Polman, emblématique patron qui avait mis le développement durable au cœur des affaires stratégiques d’Unilever. La nouvelle fonction de Rebecca Marmot lui permettra-t-elle de retrouver une fonction dans la gouvernance exécutive du groupe ? Rien n’est moins sûr, alors que la durabilité semble chaque jour descendre dans la liste des priorités stratégiques d’Unilever. Contactée, l’entreprise n’a pour l’heure pas répondu aux sollicitations de Novethic.