Publié le 4 juillet 2024

Luiz Amaral, directeur général de la Science-based targets initiative, a annoncé qu’il quittait son poste fin juillet. L’organisation internationale, qui valide les objectifs climatiques des entreprises, a annoncé intégrer la compensation carbone dans sa méthodologie ce qui a entraîné une levée de boucliers auprès des experts, des scientifiques, et même des entreprises.

Luiz Amaral, le directeur général de l’initiative Science-based target (SBTi), jette l’éponge. Il a annoncé son départ de l’initiative à compter de la fin du mois de juillet en citant des raisons personnelles qui l’obligent à concentrer son attention ailleurs. Il sera remplacé de manière temporaire par Susan Jenny Ehr, la directrice des affaires juridiques de la SBTi, le temps qu’un nouveau directeur soit nommé. Ce départ survient dans un contexte particulièrement chahuté pour la SBTi qui, depuis quelques mois, subit les critiques sur son modèle de validation des objectifs climatiques des entreprises.

L’initiative a en effet annoncé, début avril, vouloir intégrer dans sa méthodologie l’utilisation de la compensation carbone. Les entreprises pourraient ainsi acheter des crédits carbone pour compenser leurs émissions de scope 3 (celles engendrées par l’utilisation de leurs produits) et valider leur trajectoire basée sur la science. Une décision qui a suscité une levée de boucliers de la part des ONG et de scientifiques qui ont rappelé que l’utilisation des crédits carbone ne pouvait pas se substituer à une véritable stratégie de réduction des émissions.

Les employés de la SBTi se rebellent

Les employés de l’initiative ont également participé à la vague de protestation contre la décision de l’organisation. Ils sont allés jusqu’à demander la démission de Luiz Amaral et d’une partie du conseil d’administration, en soulignant le fait que la décision avait été prise sans suivre les procédures habituelles de validation scientifique. Dix jours après l’annonce de sa décision, la SBTi publiait un second communiqué regrettant “que la déclaration pouvait être sujette à mauvaise interprétation”. L’initiative assurait que l’utilisation d’instruments de marché, comme les crédits carbone, serait assortie de garde-fous pour s’assurer notamment de la baisse des émissions sur le long terme.

Le mal était cependant fait. La réputation de la SBTi a subi un choc redoutable. D’autant que l’organisation, née juste après la signature de l’Accord de Paris et créée par le CDP, le WWF, le Pacte mondial des Nations-Unies et l’Institut des ressources mondiales, est depuis peu financée par de grandes fondations philanthropiques d’entreprises. Notamment le Bezos Fund de Jeff Bezos, le fondateur d’Amazon, qui finance également des systèmes de crédit carbone, comme l’a rappelé le Financial Times.

H&M ne veut pas de la compensation

De manière surprenante, une entreprise s’est ouvertement déclarée contre l’introduction de la compensation carbone dans la méthodologie de SBTi. Leyla Ertur, la directrice du développement durable d’H&M a rédigé une lettre adressée au conseil de l’initiative pour exprimer son inquiétude. “Nous croyons fermement que la priorité pour toute stratégie climatique devrait consister à réduire les émissions de gaz à effet de serre en valeur absolue dans la chaîne de valeur de l’entreprise”, écrit-elle. Selon elle, le fait d’inclure le recours possible au marché carbone risque d’affaiblir les plans de transition des entreprises et qu’il ne faut pas que l’initiative s’éloigne de son fondement scientifique robuste initial et de la structure de gouvernance transparente et indépendante.

La nouvelle direction de la SBTi va devoir s’employer à rassurer toutes ses parties prenantes sur son engagement à baser ses évaluations sur la science. Un engagement d’autant plus crucial que le nombre de sociétés ayant recours à l’initiative augmente rapidement, avec une croissance de 102% en 2023 par rapport à l’année précédente. L’initiative compte aujourd’hui 5500 entreprises avec des objectifs validés et 3200 en cours.

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