Publié le 21 mai 2025

Nissan a annoncé une cure d’austérité particulièrement sévère, en réduisant drastiquement son outil industriel et ses effectifs. Mais, alors que la course vers la voiture électrique bat son plein, le constructeur japonais revient aussi sur des investissements importants, censés l’aider à accélérer sa transition vers ce type de véhicule.

La restructuration de Nissan n’augure rien de positif pour la transition bas carbone de l’entreprise nipponne. En très grande difficultés financières, le constructeur automobile a lancé un vaste plan de restructuration qui doit se solder par une réduction drastique de ses coûts. Sur ses 17 usines dans le monde, sept seront fermées d’ici 2027 sans que celles-ci n’aient encore été ciblées. Le plan baptisé “Re : Nissan” prévoit également des coupes sévères dans la masse salariale du groupe, avec une réduction de 15% des effectifs dans les deux ans, soit environ 20 000 personnes aussi bien dans les bureaux, la R&D que la production. Le plan doit s’accompagner aussi d’une simplification de sa chaîne de valeur en réduisant le nombre de plateformes sur lesquelles il développe ses véhicules.

Il y avait urgence selon l’allié de Renault, qui a enregistré une colossale perte de 4,1 milliards d’euros l’année dernière, après plusieurs années difficiles. Au total, les mesures annoncées par le nouveau directeur général du groupe, le mexicain Ivan Espinosa nommé en avril 2025, doivent générer des baisses de coûts de l’ordre de 3 milliards d’euros par rapport à 2024, de quoi permettre aux comptes de Nissan de revenir dans le vert en 2026. Mais cette cure sévère d’amaigrissement que s’impose le constructeur japonais intervient à un moment particulièrement épineux pour l’industrie automobile. Celle-ci doit accélérer sa transition vers le véhicule électrique, tout en gérant une chaîne de valeur très internationalisée et en proie aux attaques tarifaires de Donald Trump.

Deux grands investissements annulés

Or ces annonces du constructeur japonais, qui a vendu près de 3,5 millions de véhicules dans le monde l’année dernière, semblent occulter la stratégie climatique du groupe. Coup sur coup, Nissan a ainsi annoncé renoncé à deux investissements importants censés accompagner sa transition vers le véhicule électrique. Début mai, le constructeur a jeté l’éponge sur son projet d’ouverture d’une usine de production de batteries dite lithium-fer-phosphate (LFP) au Japon. L’investissement, de près d’un milliard d’euros, avait reçu le soutien du ministère japonais de l’industrie début 2024, avec l’octroi d’une substantielle subvention. La production de masse de ces batteries LFP, à la technologie moins coûteuse que les batteries Nickel-manganèse-cobalt (NMC), devait permettre à Nissan de réduire leurs coûts de production de 20 à 30%. De quoi accélérer l’électrification de sa gamme en proposant des véhicules électriques plus abordables.

Autre renoncement, Nissan a résilié son engagement à investir près de 600 millions d’euros dans la société Ampere, la filiale de Renault spécialisée dans le développement des véhicules électriques qui produit notamment les Renault 5, Mégane et Scénic électriques dans le nord de la France. Le Japonais s’était engagé en 2023 à y investir, un moyen de renforcer son expertise dans les véhicules à batteries. L’accord de résiliation de l’engagement prévoit néanmoins de poursuivre le développement et la production des voitures Nissan déjà dans les tuyaux, notamment un petit modèle électrique dérivé de la Twingo.

Retard dans l’électrification de la gamme

Nissan prévoit en effet toujours de commercialiser de nouveaux modèles électriques dans les prochaines années, pour remplacer notamment de la Leaf, son modèle électrique emblématique, la nouvelle Micra ou encore le dérivé de la Twingo. Cela suffira-t-il ? L’analyse de la World benchmarking alliance (WBA), en 2024, pointe en fait du doigt le manque d’ambition de la stratégie du constructeur. Selon l’ONG, les véhicules bas carbone ne représentent encore qu’une faible part des ventes totales du groupe, estimée à 3% en 2023.

Bien que Nissan dispose d’un plan de transition climatique complet, sa future proportion de véhicules bas carbone devrait rester aux niveaux actuels, creusant l’écart entre les émissions de l’entreprise et sa trajectoire à 1,5°C“, estiment ainsi les experts de la WBA. La concurrence de plus en plus vive des véhicules chinois dans l’électrique, avec des constructeurs de plus en plus puissants comme BYD, risque de laisser de moins en moins de marge de manœuvre à Nissan.

D’autant que Nissan risque de se retrouver bien seul alors que l’accord de l’alliance avec Renault est de plus en plus remis en cause. Les deux constructeurs ont ainsi décidé en début d’année de se donner la possibilité de réduire leurs participations croisées, en leur permettant de baisser leur part au capital de chacun à 10%, au lieu de 15%. Jean-Dominique Senard, le président de Renault va par ailleurs quitter le conseil d’administration du Japonais. Pour remplacer son partenaire français, Nissan a tenté un rapprochement avec son compatriote Honda en début d’année, sans succès.

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