C’est un engagement un peu particulier que les quatre plus grands constructeurs de camions aux Etats-Unis ont pris auprès de l’administration. Les Européens Daimler et Volvo Trucks et les Américains Paccar et International Motors ont promis à la Federal trade commission, l’agence fédérale chargée de l’application du droit de la consommation et du respect de la concurrence, de ne pas respecter les normes californiennes visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre des poids lourds.
L’affaire résume en fait la pression que le gouvernement de Donald Trump met sur la trop libérale Californie, gouvernée par le démocrate Gavin Newsom et connue pour ses normes plus strictes en matière d’émissions de gaz à effet de serre. L’Etat de Californie avait ainsi promulgué trois règlementations entre 2020 et 2023 encadrant les émissions de ces véhicules et imposant un pourcentage de ventes de camions zéro émissions. Le California air resources board (Carb), à l’origine de ces trois lois, avait obtenu une dérogation à la loi fédérale “Clean Air Act” auprès de l’Agence de protection de l’environnement américaine (EPA) pour mettre en place ces normes plus strictes.
Le Clean truck partnership dans le viseur
En juillet 2023, les quatre constructeurs de poids lourds, qui représentent à eux seuls près de 99% du marché américain, ont conclu un accord avec le Carb, le Clean truck partnership, selon lequel ils s’engageaient à respecter les normes californiennes en échange d’un travail collaboratif avec les autorités pour y parvenir. Mais l’élection de Donald Trump à la Maison blanche est venue en quelques mois détruire cet édifice. Le président américain a ainsi, en juin dernier, commencé par supprimer les dérogations accordées par l’agence de protection de l’environnement à la Californie, ôtant la base légale des trois réglementations en question. Gavin Newsom, le gouverneur californien, a aussitôt répliqué en portant plainte contre l’administration Trump, jugeant ces suppressions illégales.
De son côté, la Federal trade commission s’en est prise au partenariat entre les constructeurs et le Carb, suspectant une entente illégale contrevenant aux règles de la concurrence. Elle a lancé une enquête à l’encontre des constructeurs estimant que “les inquiétudes anticoncurrentielles sont évidentes : un groupe de concurrents contrôlant la quasi-totalité d’un marché a signé simultanément un soi-disant accord sous l’égide du gouvernement, qui prévoit des plafonds de vente de certains produits et a adopté collectivement des limites d’émissions qui, en pratique, limiteraient la production“, souligne la FTC.
L’argument de l’entente illégale souvent manié par le mouvement anti-ESG
Sous la pression de cette autorité de la concurrence, les quatre constructeurs sont rapidement revenus en arrière. Trois d’entre eux ont lancé une procédure judiciaire à l’encontre de l’Etat pour remettre en cause le partenariat, estimant qu’il était désormais inapplicable étant donné que l’administration fédérale était revenue sur les dérogations de l’agence de l’environnement. Ils se sont en parallèle engagés par écrit auprès de la FTC à ne pas l’appliquer, ce qui a conduit l’agence fédérale à mettre fin à son enquête.
“Le Clean truck partnership est un exemple d’entreprises qui se mettent d’accord pour éliminer la concurrence et réduire la production sous couvert d’objectifs Environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG). Certaines de ces décisions ESG peuvent être bien intentionnées, mais j’en doute“, déclare ainsi Andrew Ferguson, le président de la FTC. L’argument des ententes illégales a régulièrement été agité ces dernières années par les détracteurs de l’ESG. Les alliances net zero des institutions financières en ont particulièrement fait les frais, celle des assureurs ayant même dû s’arrêter pour se transformer en un simple forum sur la décarbonation. Des Etats dirigés par des gouverneurs républicains avaient de leur côté passé des lois anti-ESG, notamment pour empêcher l’utilisation de ces critères dans la commande publique. Ce mouvement s’en prend donc désormais aux lois passées dans des Etats démocrates.