Publié le 19 mai 2023
SOCIAL
Loi anti-gaspillage : les invendus voués à disparaître, une catastrophe pour les associations
Véritable plateforme de lutte contre le gaspillage, l’Agence du don en nature (ADN) nous emmène dans les coulisses de son entrepôt-école. Vêtements, cosmétiques, jouets… Depuis 2008, l’organisme récupère les invendus non-alimentaires des entreprises pour les distribuer à des personnes en situation de précarité. Une démarche vertueuse propulsée par la loi Agec mais qui devrait rapidement atteindre ses limites.

Florine Morestin
Des étagères à perte de vue, chargées de cartons du sol au plafond, des camions qui se succèdent sur les quais de chargement, des palettes qui attendent d’être expédiées aux quatre coins de la France… Si la ressemblance est à s’y méprendre, nous ne sommes pas dans le centre de distribution d’un géant du e-commerce, mais bien au sein de l’entrepôt-école de l’Agence du don en nature (ADN), près de Lille dans les Hauts-de-France. "C’est ici que 70% des produits que nous collectons transitent", nous explique Romain Canler, Directeur général de l’organisme.
Créé en 2008, l’ADN récupère des produits neufs auprès des entreprises pour les redistribuer à des personnes en situation de précarité via un réseau d’associations partenaires. Une activité qui a explosé depuis l’entrée en vigueur de la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (Agec). Depuis janvier 2023, il est en effet interdit de mettre en décharge ou d’incinérer des produits non-alimentaires, une pratique qui a fait scandale à plusieurs reprises ces dernières années. Afin de se défaire de leurs invendus, les entreprises sont aujourd’hui invitées à favoriser le réemploi solidaire, comme le don à des associations. Une option choisie pour 20% des produits selon une étude publiée en 2021 par l’Agence de la transition écologique (Ademe).
12 millions de produits collectés
Gel hydroalcoolique, serviettes en papier, bidons de lessive, jouets, boites de protections périodiques ou encore lunettes de lecture… Les allées de l’entrepôt de l’ADN regorgent d’articles n’ayant pas trouvé preneur dans le commerce. 12 millions de produits ont ainsi été collectés par l’organisme en 2021, soit une augmentation de 120% par rapport à 2019. Une croissance poussée par la loi, qui a permis de mobiliser autant les grandes entreprises que les PME jusqu’ici peu habituées à la pratique du don. Parmi les articles les plus collectés, les produits d’hygiène arrivent en première position.
"Ce sont des produits recherchés car de première nécessité", souligne Marine Saiman, responsable RSE d’Uriage. Si elle optait auparavant pour la destruction de ses invendus, la marque de dermo-cosmétiques a rejoint en 2022 le réseau de partenaires de l’ADN, permettant aux associations de bénéficier de produits essentiels mais peu abordables pour des populations précaires, comme des crèmes hydratantes ou des protections solaires. En parallèle, l’entreprise a changé ses processus pour réduire les invendus, en travaillant par exemple sur la gestion de ses fins de série. Une bonne nouvelle pour la planète mais pas pour l'ADN.
Le pari de la solidarité
Si 80% des produits aujourd’hui collectés par l’organisme proviennent de don, cette part va en effet progressivement diminuer, après un pic attendu pour 2024 au plus tard, selon Romain Canler. "Les entreprises ont déjà commencé à s’adapter pour des raisons économiques et éthiques", estime le Directeur général qui rappelle l’objectif environnemental, et non social, de la loi Agec. A titre de comparaison, les associations recueillant les dons du secteur alimentaire, pour lequel l’interdiction de destruction est entrée en vigueur dès 2016, observe, depuis, une baisse en quantité – près de 10% par an – et en qualité des dons.
Pour éviter cet écueil et pérenniser son action, l’ADN fait donc le pari de la solidarité. Actuellement, les dotations représentent 20% des produits qu’elle récolte. "Nous souhaitons généraliser ce système", explique Romain Canler, qui ambitionne de faire passer cette part à 50% d’ici 2026. L’organisme aspire pour cela à tisser des partenariats avec des entreprises produisant en France, qui accepteraient de surproduire légèrement certains articles dans le but de les donner. Une démarche qui permettrait à l’agence d’assurer la qualité et la durabilité de ses collectes sur le long terme.