Publié le 25 juin 2018
SOCIAL
Loi Pacte : les entreprises de l’économie sociale et solidaire restent sur leur faim
Le projet de loi Pacte tant attendu a finalement été présenté en Conseil des ministres le 18 juin dernier. Entre autres, elle instaure officiellement le principe d’entreprises à mission plus responsables. D’abord frileux car craignant l’arrivée d’une nouvelle concurrence, les acteurs de l’économie sociale et solidaire (ESS) se réjouissent de cette nouvelle inflexion donnée à l’économie. Ils regrettent cependant le manque de place faite au secteur dans le texte.

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Elle aura fait couler beaucoup d’encre pour finalement n’accoucher que d’un seul petit article concernant spécifiquement l’économie sociale et solidaire (ESS). Le projet de loi Pacte, adopté en Conseil des ministres la semaine dernière, fait largement l’impasse sur ce secteur économique, dont la raison d’être est justement un objet social entièrement dévolu à une finalité sociale et/ou environnementale avec un partage de la valeur et du pouvoir.
"Le projet de loi Pacte introduit une dynamique vers des entreprises plus responsables, nous nous en réjouissons, réagit Caroline Neyron, déléguée générale du Mouves (Mouvement des entrepreneurs sociaux). Mais le texte omet de préciser que les entreprises de l’ESS sont la locomotive de cette transformation. Elles ont pollinisé l’économie en démontrant que performance économique pouvait allait de pair avec impact social et environnemental. C’est dommage de ne pas aller jusqu’au bout de la logique et de montrer l’éventail des modèles, des entreprises à mission… jusqu’aux entreprises sociales."
Ouverture de l’Esus aux acteurs environnementaux
L’article 29, dédié à l’économie sociale et solidaire, concerne l’agrément Esus (Entreprise solidaire d'utilité sociale). Créé en 2014, celui-ci ouvre notamment droit à l'épargne solidaire et a été délivré à environ un millier d’entreprises, ce qui est très faible comparé au 200 000 entreprises qui font l’ESS. Le but du projet de loi est justement d’en élargir l’accès. L’agrément sera désormais ouvert aux acteurs du "champ de la transition écologique, de la promotion culturelle ou de la solidarité internationale" jusqu’alors exclus.
"Les acteurs du terrain se plaignaient d’interprétations différentes selon les régions et de délais de traitement très inégaux, commente Emmanuel Verny, délégué général de la Chambre française d’économie sociale et solidaire. Il est donc important d’apporter plus de transparence et d’harmonisation à cet agrément. Mais tel que le texte est rédigé, on craint que rien ne change."
Preuve que l’article est loin de faire consensus, le Conseil supérieur de l’ESS n’a donné un avis favorable qu’à une toute petite majorité (26 voix pour, 25 abstentions). "On espère qu’il sera modifié et clarifié pendant les débats parlementaires qui débuteront à la rentrée", insiste Emanuel Verny. "De même, nous regrettons que sur la transmission des entreprises, il ne soit pas fait état de la possibilité de les reprendre en Scop, alors qu’il existe de nombreux exemples fructueux."
Un moment unique pour l’ESS
Tous les acteurs de l’ESS déplorent par ailleurs le manque d’articulation entre la loi Pacte et le futur Pacte de croissance pour l’ESS promis par Christophe Itier, le Haut commissaire à l’ESS, prévu à la rentrée. "Septembre pourrait alors constituer un moment unique pour l’ESS si le projet de loi Pacte parvient à mieux intégrer l’ESS et que le Pacte de croissance attendu ancre un soutien aux entreprises sociales avec des mesures concrètes" espère Caroline Neyron. "Mais ça peut aussi être une occasion ratée…"
Le Mouves a formulé une dizaine de propositions pour le Pacte de croissance de l’ESS afin d’encourager la création de jeunes entreprises sociales et solidaires et accompagner le changement d’échelle des autres : exonération de cotisations patronales les cinq premières années, accueil des jeunes en service civique dans les Esus, réduction du taux d’impôts sur les sociétés ou encore inclusion de clauses sociales et environnementales dans la moitié des appels d’offres publics d’ici 2022. Des mesures peu coûteuses mais qui donneraient un vrai coup d’accélérateur au secteur.
Concepcion Alvarez, @conce1