Publié le 07 janvier 2019
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Coupe du Monde 2022 : Sherpa porte plainte contre Vinci
Le bras de fer entre Sherpa et Vinci est relancé. L’ONG a déposé une nouvelle plainte contre le géant du bâtiment pour travail forcé sur les chantiers de la Coupe du Monde de 2022 au Qatar. Après avoir vu l’affaire classée sans suite en début d’année, l’ONG revient à la charge avec cette fois constitution de partie civile. C’est la première fois que d’anciens travailleurs de la filière qatarie de Vinci portent plainte contre la multinationale française.

Karim Jaaafar / Al-watan Doha / AFP
Des semaines de travail de 66 à 70 heures, sous une chaleur écrasante, parfois mortelle, pour 50 centimes à 2 euros de l’heure. Ces travailleurs sont entassés dans des chambres exiguës et leurs passeports sont confisqués. Voilà le quotidien qu’ont pu vivre des milliers d’ouvriers migrants embauchés par Vinci et sa filiale qatarie sur les chantiers de la Coupe du monde 2022, selon les témoignages recueillis par Sherpa.
"J’ai signé un contrat dans une langue que je ne connaissais pas. Et quand je suis arrivé au camp, ils ont pris mon passeport. Je savais que je n’avais pas le choix", témoigne ainsi l’un des plaignants. "Au Qatar, travailler dehors pendant la saison chaude est un réel risque. À cause de la chaleur et de l’humidité, j’ai vu des personnes vomir, et tomber comme ça sur le sol", raconte un autre.
Sherpa espère que ces nouveaux témoignages feront cette fois plier le procureur. Après une plainte classée sans suite en début d’année, l’ONG a déposé le 22 novembre une nouvelle plainte contre le géant du bâtiment français, pour travail forcé, traite des êtres humains, mise en danger délibérée… Une plainte sur le même fondement qu’en 2015 mais avec constitution de partie civile, aux côtés du Comité contre l’esclavage moderne et de six anciens employés népalais et indiens.
Manque de volonté politique du parquet
Si l’ONG reconnaît que les conditions de travail de Vinci au Qatar ont été améliorées ces dernières années notamment pour les salariés directs, elle souhaite que justice soit faite pour les infractions passées. "L’insuffisance de l’enquête préliminaire [lors de la première plainte, NDLR] reflète un manque de volonté politique du parquet. Dans certains cas de délits graves d’envergure internationale, la France devrait supprimer le monopole du ministère public. Une enquête approfondie doit désormais être menée", lance Marie-Laure Guislain, responsable du contentieux chez Sherpa.
Pour avancer sur le devoir de vigilance dans sa chaîne de valeurs, Vinci a entamé dès 2014 un travail de concertation avec plusieurs de ses parties prenantes. Le groupe, qui avait porté plainte contre Sherpa pour diffamation après la première plainte de 2015, réfute ces nouvelles accusations. Contacté par Novethic, Vinci précise que "les passeports n’ont jamais été confisqués", qu'"aucun accident grave lié à la chaleur n’a été constaté" et concernant les conditions d'hébergement, "qu'une douche et des toilettes étaient prévus pour quatre ouvriers sur la base-vie". Le groupe assure ainsi avoir "toujours œuvré pour l'amélioration des conditions de travail au Qatar".
Concepcion Alvarez, @conce1