Publié le 25 août 2020
SOCIAL
Projet pétrolier en Ouganda : les Nations-Unies demandent des comptes à Total
Total vient d'être interpellé par quatre rapporteurs des Nations-Unies sur l'application de son devoir de vigilance. L'entreprise a été assignée en justice l'année dernière par six ONG. Elles estiment que Total n'a pas suffisamment anticipé les risques de violation des droits humains et d'atteinte à l'environnement dans un projet pétrolier en Ouganda. La multinationale réfute ces accusations. Une audience en appel est prévue en octobre prochain.

@CC0
Cette fois, ce ne sont pas les ONG qui demandent des comptes à Total mais quatre rapporteurs spéciaux des Nations-Unies. Ils ont adressé un courrier à la multinationale – ainsi qu’aux gouvernements français, ougandais et à la filiale locale de Total – pour lui demander de s’expliquer sur des allégations d'intimidation et de harcèlement sur deux représentants des communautés locales, ainsi que sur leur application de la loi sur le devoir de vigilance.
"Nous craignons que le harcèlement contre ces deux personnes n’entrave la liberté d'opinion et d'expression d'autres individus ougandais impactés par le projet pétrolier Total Uganda", écrivent les rapporteurs. Ces-derniers réclament également à Total "des informations sur les mesures spécifiques prises pour garantir les risques d'impacts négatifs sur les droits de l'homme et l'environnement et la mise en place d’un dialogue concerté avec les communautés affectées".
"90 000 personnes chassées de leurs terres"
Le litige concerne un projet pétrolier du français en Ouganda, impliquant le forage de 419 puits de pétrole près du lac Albert et la construction d'un oléoduc de 1 445 km reliant le pays à la Tanzanie. En octobre dernier, six ONG, dont les Amis de la Terre et Survie, ont assigné la multinationale en référé sur la mise en œuvre de son plan de vigilance dans cette région. Il s'agissait là de la toute première action en justice au titre de la loi sur le devoir de vigilance des multinationales adoptée en 2017.
"Cette interpellation des rapporteurs des Nations Unies intervient alors que les violations des droits des communautés continuent. Les deux membres des communautés affectées en Ouganda continuent de subir des pressions. De ce fait, ils ont dû fuir leur village à plusieurs reprises, encore tout récemment, c'est totalement inacceptable !", s'indigne Thomas Bart, de Survie. "Ce sont aujourd'hui près de 90 000 personnes qui sont en train d'être chassées de leurs terres sans compensation juste et préalable. Il y a urgence à agir," complète Juliette Renaud, des Amis de la Terre France.
"Des ressources à long terme et à bas coût"
Ce n’est apparemment pas le point de vue de la justice. Fin janvier, dans une décision très attendue, le tribunal de grande instance de Nanterre s’était déclaré incompétent, renvoyant l’affaire devant le tribunal de commerce, et provoquant l’ire des associations. "Nous avons décidé de faire appel de cette décision, qui nous apparaît d’autant plus préoccupante qu’elle pourrait créer une jurisprudence défavorable et impacter les futures actions en justice fondées sur la loi sur le devoir de vigilance des multinationales." Mais l’audience en appel, prévue le 24 juin, a été reportée au 28 octobre.
De son côté, Total assure avoir "conscience des impacts potentiels pour les populations locales" et "veiller à s’assurer de la bonne prise en compte des préoccupations émises" avec "un suivi complet des droits humains". Le groupe compte sur ce projet pour assurer sa croissance. Les réserves de pétrole y sont estimées à 1,7 milliard de barils et la production pourrait atteindre à terme 220 000 barils par jour. "Cela s'inscrit pleinement dans notre stratégie d'acquisition de ressources long terme à bas coût", a expliqué son PDG, Patrick Pouyanné, dans un communiqué.
Concepcion Alvarez @conce1