Publié le 29 avril 2020
SOCIAL
105 investisseurs défendent un devoir de vigilance obligatoire pour les entreprises
Ce ne sont pas des ONG mais une centaine d’investisseurs représentant 5 000 milliards de dollars d’actifs sous gestion qui viennent de s’unir pour demander aux gouvernements de rendre obligatoire le devoir de vigilance pour les entreprises. Un soutien de poids au traité international contraignant en discussion à l’ONU, dans la lignée de la loi française sur le devoir de vigilance.

@JESP62
"Sans contrainte, il est clair que les entreprises qui traînent à prendre des mesures de vigilance continueront de s’affranchir des droits des autres", juge Steve Waygood, directeur des investissements responsables chez Aviva Investor. Face à ce constat, une coalition de 105 investisseurs internationaux représentant 5 000 milliards de dollars d’actifs sous gestion, dont Ircantec, Robeco et Sycomore, vient d’appeler les gouvernements, notamment ceux des États-Unis, du Canada et de l’Europe, à adopter des mesures contraignantes en la matière.
L’appel intervient alors que les manquements des entreprises en matière de devoir de vigilance ont été particulièrement mis en lumière par la crise du Covid-19. "Le préjudice est ressenti en particulier par les millions de femmes et de travailleurs migrants licenciés et abandonnés au bas des chaînes d'approvisionnement", souligne Bloomer, directeur exécutif du Business & Human Rights Resource Center. Le secteur textile notamment est dans le viseur des ONG. Mais les investisseurs ont également tout à y gagner car les résultats montrent que les entreprises responsables résistent mieux que les autres dans la pandémie.
Le devoir de vigilance permet en effet aux entreprises d’atténuer les risques pour les employés, les communautés et les autres parties prenantes, de gérer les risques financiers et juridiques potentiels et, in fine, d’améliorer la création de valeur partagée. Pour les investisseurs, ces mesures de gestion de risques et de transparence leur permettent de mieux identifier et évaluer les entreprises en portefeuille. De plus, le devoir de vigilance permettrait aussi "d'améliorer la productivité économique, les conditions de vie et de réduire les inégalités, des points essentiels à la réalisation des Objectifs de développement durable", selon Alice Evans codirectrice et directrice générale chez BMO Gestion mondiale d'actifs.
Un rôle crucial des gouvernements
Or, selon le Corporate Human Rights Benchmark, un grand nombre de sociétés ne font état d'aucune diligence raisonnable en matière de droits de l'Homme. Toute approche purement volontaire "a clairement échoué, créant des risques pour les particuliers, les entreprises et les investisseurs. Il est important que les gouvernements introduisent des régimes obligatoires de devoir de vigilance pour les droits humains, particulièrement pour les grandes entreprises des secteurs à fort impact", confirme Steve Waygood.
"Les gouvernements ont un rôle crucial à jouer dans la transition vers une société durable et juste. Cet appel à l'ensemble de l'industrie pour une diligence raisonnable en matière de droits de l'homme montre que le moment est venu d'agir", a déclaré le député européen socialiste Paul Tang. Actuellement, plusieurs pays européens travaillent sur des dispositions contraignantes dans la lignée du droit français et une réflexion est en cours au niveau de l’Union européenne. Un traité contraignant est également en cours d’élaboration à l’ONU, mais fait l’objet d’une vive opposition du patronat et de certains États.
Béatrice Héraud, @beatriceheraud