Publié le 03 janvier 2019
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Cambodge : après avoir tout perdu, les réfugiés climatiques deviennent des esclaves modernes
Le Cambodge est l’un des pays les plus vulnérables au changement climatique. Les paysans du pays perdent tout à cause des inondations et sécheresses qui touchent le pays. Dans un reportage, l’AFP montre comment ces hommes et ses femmes endettés se retrouvent à la merci des nombreuses usines de fabrique de briques.

@TangChhinSothy/AFP
Après des semaines de sécheresse, Chenda, criblée de dettes, a été contrainte d'abandonner sa rizière au Cambodge pour travailler avec ses quatre enfants dans une fabrique de briques, comme des milliers de réfugiés climatiques de ce pays d'Asie du Sud-Est.
"Beaucoup d'industries dans le monde emploient des réfugiés climatiques. Mais ce qui est unique dans les usines de briques au Cambodge c'est que la très grande majorité des ouvriers sont emprisonnés dans la servitude pour dettes", relève Naly Pilorge, directrice de l'association des droits de l'homme Licadho.
C'est le cas de Chenda. Le propriétaire de l'usine de briques a racheté son emprunt. Elle travaille avec sa fille de 14 ans 14 ans, dans le village de Thmey à une quarantaine de kilomètres au nord de Phnom Penh, le long d'une route de terre où des centaines de fours à briques semblables à de petites pyramides flamboient sous le soleil. Cinquante-six heures par semaine, Bopha charge des pavés d'argile sur des chariots.
"Je ne vais pas à l'école. J'essaye d'aider à rembourser les 4 000 dollars qu'on doit même si cela prendra des années", raconte-t-elle à l'AFP, avant de rejoindre sa mère près de la cahute en tôle où la famille est logée dans l'enceinte même de la fabrique.
Sécheresses et inondations
Le Cambodge est l'un des pays les plus vulnérables au changement climatique. Et, comme Chenda, plusieurs dizaines de milliers d'agriculteurs cambodgiens ont abandonné les rizières à la suite de vagues de sécheresse et d'inondations, incapables de rembourser l'argent qu'ils avaient emprunté auprès d'une banque ou d'un organisme de microfinance pour cultiver leur lopin de terre.
Ils ont trouvé un travail dans une des centaines de manufactures de briques qui fleurissent dans le royaume pour répondre au boom de la construction dans les grandes villes du pays. Ces fabriques font travailler "une main-d'œuvre d'adultes et d'enfants", relevaient en octobre des chercheurs de l'Université de Londres, dénonçant "une forme d'esclavage moderne".
Maladies respiratoires ou de la peau, maux de tête, saignements de nez : les ouvriers travaillent sans gant ni masque et les problèmes de santé sont légion près des fours qui crachent une épaisse fumée noire. Au Cambodge, la durée hebdomadaire de travail est fixée à quarante-huit heures et le travail des enfants de moins de 15 ans est interdit par la loi.
Mais, dans certaines fabriques de Thmey, les ouvriers effectuent au minimum 60 heures par semaine et comptent des enfants dans leurs rangs. Le gouvernement a indiqué à plusieurs reprises qu'il allait enquêter et punirait les propriétaires des fours si des cas de travail d'enfants étaient avérés. "Mais le problème perdure depuis des années et rien n'est fait", soupire Naly Pilorge.
La rédaction avec AFP