Publié le 03 février 2015
SOCIAL
"Dégenrer" les métiers, un processus de longue haleine
La mixité, il ne suffit pas de vouloir la mettre en œuvre. Encore faut-il pouvoir. Dans certains secteurs d’activité, les métiers restent très "genrés", compliquant un peu plus les objectifs de diversité des entreprises concernées. Pour lutter contre ces stéréotypes qui ont la vie dure, les responsables ressources humaines (RH) ou RSE (responsabilité sociale de l’entreprise) n’hésitent pas à bousculer l’image des métiers, et à aller à la rencontre des jeunes.

Transdev
Sur 87 familles de métiers, seules 13 sont réellement mixtes. C’est l’un des enseignements d’une vaste étude publiée par la Dares (Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques) en décembre 2013. Le rapport précise que, si l’on se réfère aux données de 2011, il faudrait qu’"un peu plus de la moitié des femmes ou des hommes change de métier pour aboutir à une répartition égalitaire".
Cette sexualisation des métiers complique la tâche des entreprises dans leur quête de mixité. Parmi les métiers les plus féminins, la Dares cite les aides à domicile et aides ménagères, les assistantes maternelles, les secrétaires ou les employés de maison.
La conduite de véhicules : pré carré des hommes
A l’inverse, les métiers d’ouvriers du bâtiment, les techniciens et agents de maîtrise ou conducteurs de véhicules restent essentiellement masculins. Transdev, groupe international de transport public, connaît bien ce problème, comme l’explique Véronique Subileau, responsable des ressources humaines et de la RSE: "Le métier de conducteur de bus n’est pas assez attractif pour les femmes. Nous manquons de candidates, car dans l’inconscient collectif, le transport est un métier d’homme, aussi bien pour la conduite que pour la maintenance. Pourtant, avec la direction assistée, la conduite d’un bus est devenue un métier tout à fait ouvert aux femmes !"
Aujourd’hui, grâce à des actions de valorisation du métier, le groupe compte 20% de femmes conductrices de bus. Les retours terrain livrent leurs premières conclusions: "Les femmes qui conduisent nos bus sont souvent moins victimes d’incivilité, ont un bon sens du service et une conduite douce qui permet une bonne maîtrise de l’énergie", constate Véronique Subileau.
Des actions qui réparent la mixité de demain
Mais le principal enjeu pour les entreprises, c’est bien le long terme. Selon l'association IMS-Entreprendre pour la Cité, la mixité doit passer par deux actions majeures: "Il faut d’abord travailler sur la formation interne afin de créer des passerelles métiers et lutter contre le plafond de verre qui freine l’évolution des femmes. Ensuite, il faut investir dans l’éducation et aller à la rencontre des collégiens et des lycéens pour déconstruire les stéréotypes", explique Inès Dauvergne, responsable Expertise diversité de l’IMS.
A travers son programme Déployons nos Elles, l’association s’attache à faire découvrir les "métiers d’hommes" aux jeunes filles, en partenariat avec 30 entreprises et 40 collèges en France. Des professionnelles aux métiers jugés masculins (chef de piste d’aéroport, conductrice de grues, directrice financière, informaticienne…) présentent leur parcours et leur métier aux élèves.
"C’est dès l’âge de 15 ans que la mixité se joue. En allant parler aux collégiens et lycéens, les entreprises travaillent sur le long terme", précise Inès Dauvergne.
Prendre le problème à la source
Transdev, qui compte seulement 10% de femmes directrices de réseau, a également choisi d’aller dans les écoles, comme l’explique Véronique Subileau: "Nous allons à la rencontre des étudiants des grandes écoles de commerce et d’ingénieurs en prenant soin de présenter un binôme homme femme."
Même son de cloche chez Total. En novembre 2014, lors d’une conférence organisée par les Natons Unies sur l’égalité hommes femmes en entreprise, Laurence Reckford, la responsable Diversité, expliquait: "Nous agissons contre les stéréotypes par le témoignage. Nos femmes ingénieures vont dans les lycées pour ouvrir le champ des possibles."