Publié le 27 mars 2017
SOCIAL
Discriminations au travail : comment dépasser le statu quo ?
Sur 10 ans, le baromètre du Défenseur des droits ne note aucune amélioration des discriminations dans l’emploi. Un actif sur trois affirme avoir subi une discrimination au travail liée à son sexe, son âge ou sa couleur de peau. Il faut "passer à l’action", exhorte Jean-Christophe Sciberras, le président du groupe de dialogue interministériel sur la lutte contre les discriminations dans l’emploi.

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Le constat est sans appel : non seulement les discriminations dans l’emploi ne diminuent pas, mais elles se sont même aggravées dans certains secteurs, selon le Défenseur des droits.
L’institution a présenté jeudi avec l’OIT, l’Organisation internationale du travail, son 10ème baromètre (1) de la perception des discriminations dans l’emploi. Résultat : une personne active sur trois (34%), déclare avoir été discriminée dans l’emploi au cours des 5 dernières années.
Les femmes, toujours plus discriminées que les hommes
Certains groupes sont spécifiquement visés. Les femmes sont "systématiquement plus discriminées que les hommes" : 41% d’entre elles évoquent une discrimination, contre 28% des hommes. Le "halo de la maternité" reste un des critères les plus discriminatoires. Plus d’une femme sur deux en âge d’avoir un enfant (entre 18 et 34 ans) témoigne d’une expérience de discrimination dans le milieu professionnel.
L’approche intersectionnelle du Défenseur des droits, c’est-à-dire recoupant plusieurs critères de discrimination (âge, sexe, couleur de peau, handicap...), a aussi permis de dégager le groupe le plus discriminé dans le monde du travail : les femmes à la peau non blanche (perçues comme noires, arabes ou asiatiques) en âge d’avoir un enfant. Elles sont 65% à déclarer avoir été victimes de discrimination.
Peut-on vraiment se fier à une étude liée à l’expérience ? Oui, répond Dominique Meurs, économiste et chercheuse à l’INED et Economix. "Ces expériences correspondent à une réalité", défend-elle. Et c’est bien sur la base de ces expériences et ressentis que le Défenseur des droits est saisi, précise Clémence Levesque, chargée de mission à l’institut.
Pédagogie et sanction
Cette dixième édition marque aussi une prise de conscience générale, hors du cercle des personnes ayant elles-mêmes expérimenté la discrimination. Près d’une personne sur deux considère qu’il existe des discriminations dans le monde du travail, sans forcément en avoir directement subi. "C’est porteur d’espoir", estime Dominique Meurs. Mais il ne s’agit pas d’en rester là.
"Maintenant, il faut passer à l’action", exhorte Jean-Christophe Sciberras, président du groupe de dialogue interministériel sur la lutte contre les discriminations dans l’emploi. Le DRH France et directeur des relations sociales de Solvay préconise une double approche : pédagogique et répressive.
"La majorité des personnes qui discriminent n’en ont pas conscience. Cela résulte de stéréotypes, de culture… il faut donc les sensibiliser, les former", argumente-t-il. Il applaudit également la pratique du "name and shame", qui consiste à dévoiler le nom des entreprises non vertueuses. C’est la méthode qu’a choisie la ministre du travail Myriam El Khomri la semaine dernière, en épinglant publiquement AccorHotels et Courtepaille. Une première pour le gouvernement.
L’argument économique devrait également faire bouger les lignes, espère Jean-Christophe Sciberras : une réduction des discriminations permettrait en effet d’augmenter la richesse nationale de 150 milliards d’euros par an, comme le montrait déjà l’an dernier une étude de France Stratégie.
(1) Le baromètre porte sur un échantillon de 5117 personnes, représentatif de la population de France métropolitaine. Concernant les expériences de discrimination en milieu professionnel, l’échantillon porte sur la seule population active, soit 3556 personnes.