Publié le 04 juin 2020
SOCIAL
Polémiques sur l'ouverture de 11 nouveaux entrepôts Amazon en France
L'extension d'Amazon dans l'Hexagone s'accélère. Le géant américain, qui possède déjà 11 entrepôts logistiques et centres de distribution, prévoit d'en ouvrir autant d'ici l'année prochaine. Mais dans les territoires, la gronde gagne et les recours pleuvent pour faire échouer ces projets considérés comme polluants et trop impactant pour les commerces de proximité. Amazon se défend lui en affirmant être l'un des principaux créateurs d'emplois en France.

@Jordan Stead/Amazon
Dans le Gard, près de Nîmes, un bras de fer est engagé depuis plusieurs mois entre une association de citoyens, l'Adere, et Amazon contre l’implantation d’un centre de distribution de plusieurs dizaines de milliers de mètres carré. Celui-ci doit voir le jour à proximité du Pont du Gard, l'un des sites touristiques les plus anciens et visités de France, classé à l’Unesco. Le trafic quotidien généré par ce centre de tri serait de 544 poids-lourds et 2 500 véhicules légers.
Après avoir appris l'arrivée du géant américain, l’association décide d'éplucher les cadastres. Elle découvre alors que certains des terrains cédés au promoteur appartiennent à des élus locaux ou à leurs proches et ont été vendus largement au-dessus du prix du marché. Or, ces élus avaient participé au débat et voté les délibérations municipales liées au projet. Après avoir alerté le préfet, les délibérations municipales sont annulées et revotées sans les élus concernés. Une plainte - jugée recevable – a été déposée auprès du Procureur général ainsi que des dizaines de recours contre le permis de construire et l’autorisation environnementale.
"Chantage à l’emploi"
Comme dans le Gard, les protestations se multiplient contre les futurs entrepôts. "À chaque fois, la stratégie est la même. L’entreprise fait du chantage à l'emploi en mettant en concurrence des territoires aux forts taux de chômage pour préparer son installation et empêcher toute forme de débat. Le projet est gardé secret jusqu’au dernier moment, protégé par des clauses de confidentialité que les élus, attirés par les promesses de d’emplois, n'hésitent pas à signer. Quand il sort au grand jour, il reste parfois peu de temps aux associations pour déposer des recours", dénonce Alma Dufour des Amis de la Terre.
Une dizaine de projets font aujourd’hui l’objet d’une opposition sur le territoire. À Colombier-Saugnieu, près de l’aéroport Lyon Saint-Exupéry d’où arriveraient les colis, les travaux du futur entrepôt sont à l’arrêt en raison de plusieurs recours. À Dambach-la-Ville, en Alsace, où un entrepôt de 150 000 m² doit voir le jour, un collectif d’une soixantaine d’associations et de commerçants vient d’interpeller les maires de la communauté de communes du pays de Barr pour les faire changer d’avis. Mais il semble difficile pour les élus de dire non au millier d’emplois promis à terme par Amazon.
Les implantations d'Amazon en France. DR
Le géant américain estime en effet être "l’un des principaux créateurs d’emplois en France". "En trois ans, nous avons plus que doublé nos effectifs et compterons plus de 9 300 collaborateurs à la fin 2019" fait savoir le service de presse. "À ces emplois s’ajoutent des dizaines de milliers d’emplois indirects. Ainsi, au total, Amazon est à l’origine de plus de 30 000 emplois." Plus de 20 sites logistiques ont été déployés dans l’Hexagone et le groupe s’apprête à y doubler sa surface de stockage d’ici début 2021. Son concurrent chinois, Alibaba, lorgne lui aussi sur deux giga-entrepôts près de Bordeaux et dans le Nord.
La mort du commerce de proximité
Pour les Amis de la Terre, qui se sont alliés à la Confédération des commerçants de France, cela va signer l’arrêt de mort des commerces de proximité. "On estime que pour chaque emploi créé en France, Amazon en détruit deux", explique Alma Dufour. D’après l’ancien Secrétaire d’État au numérique, Mounir Mahjoubi, Amazon va détruire plus de 7 900 emplois en France à court terme. Et 260 000 emplois auraient déjà été détruits aux États-Unis et 13 000 au Royaume-Uni par la vente en ligne, dominée par Amazon.
Une proposition de loi imposant "un moratoire sur l'implantation de nouveaux entrepôts logistiques destinés aux opérateurs du commerce en ligne" va être déposée cette semaine par la députée Delphine Batho, membre du nouveau parti Écologie Démocratie Solidarité (EDS). Aujourd'hui, ils ne sont pas soumis aux mêmes autorisations que les commerces physiques et leur impact sur les petits commerces n'est pas évalué.
Concepcion Alvarez, @conce1