Publié le 22 août 2023
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H&M, Nike, Primark... Où finissent vraiment nos vêtements donnés aux grandes enseignes ?
Des bons d'achat en échange de dons de vêtements. Qui ne s'est pas laissé séduire ? La formule, de plus en plus utilisée par les grandes enseignes, a de quoi déculpabiliser. Pourtant, derrière la promesse d'une revente de seconde main ou de don à des associations, beaucoup de ces vêtements finissent en isolant, parfois en combustible ou pire encore, parcourent des milliers de kilomètres pour un avenir incertain.

@Becca McHaffie / Unsplash
Un jean détruit pour faire de l'isolant, un pantalon de jogging brûlé comme combustible, une jupe vendue en Afrique mais ensuite abandonnée dans une décharge... De nombreux habits de seconde main déposés dans les bornes de collecte des grandes enseignes ne sont en réalité pas réutilisés. C'est le constat d'une enquête publiée en juillet dernier par les ONG Changing Markets et Zero Waste France. 21 habits en très bon état ont été pistés à l'aide d'AirTags, des puces géolocalisées de la taille d'une pièce de monnaie.
Ces vêtement ont ensuite été confiés à H&M, Nike, Zara, C&A, Primark, Uniqlo, Boohoo, The North Face, M&S et New Look en Belgique, en France, en Allemagne et au Royaume-Uni. Résultat : seulement cinq ont été revendus en Europe. Quatre ont voyagé jusqu'en Afrique et la majeure partie a été recyclée ou attend dans des entrepôts.
"Une nouvelle supercherie écologique"
L'enquête pointe du doigt le recours massif au recyclage, notamment par C&A. Sur les quatre articles de la marque, trois ont été recyclés, l'un d'eux ayant servi de combustible dans une cimenterie. Pourtant, accompagné du slogan "donnez une seconde vie à vos vêtements", C&A affirme que son programme de collecte vise en priorité la revente. Changing Markets épingle aussi des enseignes comme Zara, qui laissent plusieurs mois des vêtements dans des entrepôts. Contacté par Novethic, Zara n'a pas fait de commentaires. Un signe, selon l'association, de difficultés de fonctionnement du programme de don de l'enseigne.
Zero Waste France regrette également que des vêtements soient "expédiés à l'autre bout du monde, dans des pays qui sont les moins à même de traiter le déluge de vêtements usagés". La vente hors de l'Europe est controversée au regard des montagnes de déchets visibles par exemple au Ghana. H&M, épinglée pour avoir envoyé quatre articles sur cinq en Afrique, affirme travailler à ce que "les vêtements ne soient envoyés qu’aux partenaires et aux pays où ils peuvent avoir une seconde vie".
Dès lors, Urska Trunk, chargée de campagne pour Changing Markets, dénonce "une nouvelle supercherie écologique à l’égard des consommateurs" qui pensent faire une bonne action en déposant leurs vêtements dans les bacs à recyclage de leurs enseignes préférées. "Ces programmes aggravent la situation en offrant aux clients des bons d’achat, des réductions ou des points de fidélité pour acheter plus de vêtements, amplifiant ainsi le modèle de la fast fashion", déplore-t-elle.
"Le neuf à bas prix concurrence le réemploi"
Un constat partagé par le collectif En mode climat, contacté par Novethic. Pour eux, les soldes comme les coupons de réduction "incitent à la surconsommation" et sont à proscrire. "La quantité de vêtements mis sur le marché a doublé en une génération, c'est ingérable. Et le neuf à bas prix concurrence le réemploi", affirme le collectif.
Or, le réemploi reste encore minoritaire. Selon Refashion (PDF), l'éco-organisme qui coordonne en France la seconde vie dans la filière textile, sur 187 000 tonnes d'habits et chaussures collectés et triés, 60% sont jugés aptes à la réutilisation. Parmi cette sélection, seulement 10% est vendu en France. Pour le reste, une grande part (35%) va en Afrique, suivi d'autres pays d'Europe (31%) puis de l'Asie (24%).
Les pratiques dénoncée par les ONG ne sont pas illégales mais ne respectent pas la hiérarchie de gestion des déchets préconisée. En France, où la réglementation est l'une des plus ambitieuses d'Europe, seule l'incinération est interdite. L'ONG Changing Markets veut pousser l'Union Européenne à donner plus d'ambition à la loi en préparation sur la seconde vie des vêtements. Elle demande des "objectifs contraignants de réutilisation et de recyclage, une taxe sur les textiles synthétiques et des normes visant à rendre les vêtements plus durables dès leur conception".