Publié le 23 mars 2020
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[Coronavirus, le jour d’après] Couper le cordon avec l'Asie pour éviter la pénurie de médicaments
La crise du coronavirus a mis en lumière notre extrême dépendance à la Chine et à l'Asie dans des secteurs stratégiques comme celui des médicaments. Alors que le paracétamol commence à être rationné, les industriels se mobilisent pour relocaliser la production en Europe et éviter des pénuries à l'avenir. Toute la semaine, Novethic se penche sur la fragilité de nos modèles économiques, secteur par secteur, mise en lumière par la crise sanitaire actuelle.

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Une seule boîte de paracétamol par patient, deux boîtes en cas de fortes douleurs. Depuis le 18 mars, la vente de cet antidouleur est restreinte en pharmacie et suspendue sur internet afin d’éviter sa pénurie, le médicament ayant été recommandé pour combattre les symptômes du Covid-19. L’Agence nationale du médicament s'inquiète des risques de "stockage inutile" au détriment de ceux qui en ont besoin.
Voici une autre des conséquences très directes de la pandémie qui touche le monde entier depuis plusieurs mois. La production du paracétamol se fait essentiellement en Chine. Et au-delà du paracétamol, 80 % des principes actifs présents dans nos médicaments sont fabriqués hors de l’Union européenne, principalement en Asie, ce qui fait craindre un risque d’approvisionnement dans les mois à venir.
Aucune pénurie à ce jour
"L’an dernier, il y a eu entre 400 et 500 ruptures (de stock, NDR) en France, explique Bruno Bonnemain, membre de l’Académie nationale de pharmacie, interrogé par France Info. À partir du moment où les génériques sont arrivés, il y a eu une baisse des prix très importante qu’il a fallu compenser par une baisse des coûts de production", ajoute-t-il. Les normes environnementales, de plus en plus strictes en Europe, ont également encouragé cette délocalisation.
Depuis une dizaine d’années, l’Académie nationale de pharmacie martèle qu’il faut "relocaliser la production des matières premières pharmaceutiques" notamment pour les antibiotiques, les anticancéreux et les vaccins. Pour l’heure, les autorités se veulent rassurantes. La fédération française de l'industrie pharmaceutique (Leem) assure qu'"aucune pénurie" de médicaments "n'est à déplorer à ce jour", l’évolution de la situation étant suivie avec "une vigilance extrême".
Électrochoc
Sans attendre, les industriels du secteur pharmaceutique se mobilisent. Pour un secteur jugé stratégique, "nous ne pouvons dépendre de pays lointains et désormais puissants", ont souligné des dirigeants du G5 Santé, les huit principales entreprises françaises du secteur de la santé et des sciences du vivant. Ils demandent au gouvernement de mieux prendre en compte les investissements industriels au moment de la fixation des prix des médicaments.
"Peut-être que la crise de coronavirus aura cet aspect positif. Il fallait une crise sanitaire pour déclencher un électrochoc", estime Isabelle Fréret, représentante CFE-CGC de la branche industrie pharmaceutique. De son côté, Sanofi, a déjà fait savoir qu’il allait relocaliser une partie de ses activités de production de principes actifs en France et en Europe. Le groupe ne se fournit qu'à hauteur de 5 % chez le géant asiatique.
"Il est évident que cette situation peut poser un problème d’indépendance sanitaire à moyen ou à long terme. Il faut que nous répondions à ce défi et à ce risque", a insisté Bruno Le Maire, le ministre de l’Économie, lors d’une conférence sur le coronavirus. Un rapport ministériel sera rendu prochainement sur le sujet. En parallèle, l'Agence européenne du médicament a commencé un travail d'examen des médicaments à usage humain ou vétérinaire afin d'identifier les plus à risque.
Concepcion Alvarez, @conce1