Publié le 10 septembre 2020
SOCIAL
[Révolution au travail] Ces entreprises sont passées à la semaine de quatre jours et restent performantes
Le Covid-19 bouscule le monde du travail et force les entreprises à repenser leur organisation. Chaque semaine, nous vous proposons de découvrir des entreprises pionnières qui ont adopté une nouvelle culture managériale. Aujourd'hui, nous sommes allés à la rencontre des - rares - entreprises qui sont passées à la semaine de quatre jours. De façon contre-intuitive, elles ont maintenu, voire même augmenté, leur productivité et embauché.

@Welcome to the Jungle
"C'est certain, je ne reviendrai pas à la semaine de cinq jours", confie Gaëlle Martineau, assistante exploitation au sein d’Yprema, une entreprise qui transforme des matériaux de déconstruction en granulats. "Avoir un jour de repos supplémentaire par semaine est très bénéfique pour le moral. Je n’ai plus l’impression de ne faire que travailler, c’est plus équilibré et motivant." Pour compenser ce jour de travail en moins, la salariée rallonge sa journée de trois quarts d’heure et est bien plus efficace. "On gère mieux ses priorités et on organise son travail différemment en étant tout aussi productifs. Sur cinq jours, on a peut-être tendance à traîner un peu plus", ajoute-t-elle.
Yprema fait partie de ces rares entreprises à avoir adopté la semaine de quatre jours. C’était en 1997. L’entreprise passe alors de 39 à 35 heures hebdomadaires avec un jour de repos supplémentaire et maintien de salaire. Contre-intuitivement, la productivité de l’entreprise augmente. "Nous avons abaissé le temps de travail individuel mais l’entreprise, elle, a continué de fonctionner cinq jours par semaine, si bien que nous sommes passés de 39 heures hebdomadaires à 44 heures dans nos usines et de 39 à 55 heures en accueil commercial en mettant en place des binômes en horaires décalés", explique Susana Mendes, alors en charge des RH.
Culture du présentéisme
Cela tombe à pic, car l’entreprise est en fort développement. À l’époque, elle bénéfice en outre de la loi de Robien, qui offre une exonération de cotisations sociales aux entreprises qui réduisent leur temps de travail et embauchent. Yprema recrute alors rapidement huit salariés supplémentaires et double ses effectifs en dix ans. "Nous avons recruté un poste de polycompétent sur chaque site d’exploitation afin d’assurer les remplacements. Et dans les autres services, nous fonctionnons par binômes ou trinômes, ce qui permet de développer les compétences des salariés amenés à travailler sur d’autres postes, et les oblige à mieux communiquer et partager les informations", poursuit Susana Mendes, aujourd’hui secrétaire générale.
La formule magique ne fait pourtant pas d’émules et les entreprises ayant alors franchi le pas ont rarement maintenu le dispositif dans le temps. La Macif qui avait adopté en 2000 la semaine de 31h30 réparties sur 4 ou 5 jours est passée aux 35 heures sur cinq jours depuis 2019 dans un souci de "prise en compte des évolutions du marché dans un environnement hyperconcurrentiel" fait savoir l’assureur. Chez Fleury Michon, la semaine de 32 heures adoptée en 1998 "pour répondre aux variations de besoins de production importantes dans l’univers de l’alimentaire frais" est passée aux 35 heures en 2008, toujours réparties sur trois, quatre, cinq ou six jours.
"Ce n’est pas applicable à toutes les entreprises, reconnaît Isabelle Rey-Millet, experte en management, mais celles qui peuvent le faire doivent prendre conscience de l’intérêt de ce dispositif. Le principal blocage vient de notre culture du présentéisme : un quart des salariés déclarent rester tard le soir pour se faire bien voir de leurs managers. Il faut arrêter de mal travailler, de multiplier les réunions, de zapper sans arrêt. Et réfléchir de façon systémique. Réduire le temps de travail est bénéfique pour la performance, le bien-être, les finances publiques, l’attractivité et l’écologie."
La confiance est clé
C’est justement toute cette réflexion autour de l’expérience de travail qui a motivé Welcome to the Jungle, un média spécialisé dans l'emploi, à tester la semaine de quatre jours l’année dernière. Avec succès puisque l’entreprise a conservé le même niveau de productivité et a pu embaucher. "Décorréler la valeur du travail au temps qu’on y a passé permet d’avoir une approche plus saine. Pour cela, la confiance est clé. Les objectifs sont fixés ensemble et libre aux équipes de s’organiser comme elles le souhaitent pour les atteindre. Cela nous a permis d’être plus résilients et mieux armés face au Covid", témoigne Jérémy Clédat, l'un des cofondateurs.
"C’est risqué, c’est sûr, car cela demande une organisation bien particulière mais il est indispensable que les entreprises s’interrogent sur l’équilibre vie privée-vie perso et sur les rythmes de travail", ajoute Camille Fauran, la responsable des ressources humaines. Chez Yprema, on n’exclut pas d’ici quelques mois de réduire encore la semaine de travail à 32 voire 30 heures avec des équipes du matin et du soir. Toujours dans un souci de produire plus pour répondre à la demande croissante liée aux travaux du Grand Paris…
Concepcion Alvarez @conce1