Publié le 21 août 2017
SOCIAL
Et si votre employeur vous payait pour bien dormir et faire de l’exercice
Aux États-Unis, une entreprise verse des primes à ses salariés quand ils ont passé une bonne nuit de sommeil ou quand ils ont fait de l’exercice. Pour cela, ils sont connectés à une application qui peut les géolocaliser à tout moment. Pour l’employeur il s’agit avant tout d’une question de bien-être. Mais pour les experts une limite est clairement franchie en matière de vie privée.

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17 centimes d'euros par kilomètre de marche, 1,70 euro par kilomètre en vélo et 1,70 euro par nuit de sommeil complète… Que diriez-vous si votre employeur vous rémunérait pour être en pleine forme ? De l’autre côté de l’Atlantique, la start-up Casper, qui vend des matelas en ligne, invite ses salariés à télécharger une application de suivi de leur activité physique et de leur sommeil. Elle peut aussi les géolocaliser à tout moment. Pour chaque heure de sport et chaque nuit de sommeil complète effectuées, les salariés touchent une prime, plafonnée à environ 170 euros. De quoi arrondir les fins de mois.
Un asservissement des salariés
Pour le cofondateur, Neil Parikh, il s’agit avant tout de "motiver les gens à être en meilleure santé". "Nous essayons toujours de trouver des moyens de quantifier et de motiver les gens à adopter des comportements sociaux positifs. Nous aurions pu fournir une adhésion à la salle de gym, mais il arrive souvent qu'elle reste au fond d’un tiroir. Les récompenses financières motivent davantage", explique-t-il.
Mais jusqu’où les entreprises peuvent-elles aller sous prétexte d’améliorer la qualité de vie au travail ? Neil Parikh assure que les cadres de la société n'ont pas directement accès aux données de chaque employé. Mais ils ont néanmoins connaissance des primes octroyées chaque mois et donc de l’appétence de chacun pour l’activité physique. Ce qui peut devenir un élément discriminant pour celui qui ne peut ou ne veut pas s’adapter à cette nouvelle norme.
"C’est terrifiant, c’est un asservissement total des salariés et une atteinte à leur vie intime", réagit Jean-Claude Delgenes, directeur de Technologia, un cabinet d'experts en prévention des risques professionnels. "On assiste à la toute-puissance du travail qui va jusqu’à contrôler votre sommeil, votre activité physique. Tout est analysé sous le prisme de la productivité et de la compétence."
Épuisement professionnel
Chez Casper, 69% des salariés avaient participé à l’opération en mai dernier. "Beaucoup de salariés n’ont pas matériellement la possibilité de dire non aux États-Unis où la précarité est importante, commente Jean-Claude Delgenes, d’autant plus si les collègues sont nombreux à s’y mettre, il est difficile de rester à l’écart."
En France, des progrès ont été faits en matière de prise en compte des risques psycho-sociaux ces dernières années, mais la numérisation et l’automatisation posent de nouveaux problèmes. "Nous sommes en permanence connectés, et nous ne prenons plus le temps d’avoir des activités culturelles, ce qui peut conduire à un épuisement professionnel, alerte le directeur de Technologia. Par ailleurs, la progression pharamineuse de l’intelligence artificielle place les salariés dans une grande insécurité et vulnérabilité."
Selon une récente étude, le coût du mal-être au travail est de 12 600 euros par an et par salarié. De quoi faire réagir les dirigeants. "Les assureurs sont aussi en train de tordre le bras aux entreprises car ils supportent les dégâts de plus en plus lourds liés à la mauvaise qualité de vie au travail", note Jean-Claude Delgenes. "Il y a donc matière à espérer."
Concepcion Alvarez @conce1