Publié le 23 mars 2020
SOCIAL
Agriculture, supermarchés, transporteurs… Les secteurs vitaux craignent une pénurie de main-d’œuvre
Alors que l'exécutif se voulait rassurant jusqu'ici, Bruno Le Maire a reconnu qu'il y avait des "tensions en matière de salariés" sur des secteurs vitaux comme les supermarchés et les transporteurs. Les agriculteurs s'inquiètent eux du manque de bras pour les récoltes. Le gouvernement appelle les entreprises à donner une prime de 1 000 euros pour remercier les travailleurs qui se déplacent, malgré l'épidémie de Coronavirus.

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En quelques jours, le ton de l’Exécutif a quelque peu changé. Alors que dans sa dernière allocution, le Président de la République avait surtout appelé les Français à respecter le confinement, tout en saluant le travail des soignants, les ministres montent désormais au front pour appeler les salariés, qui ne bénéficieraient pas du télétravail, à aller travailler. "J’invite tous les salariés des entreprises qui sont encore ouvertes, des activités qui sont indispensables au fonctionnement du pays, à se rendre sur leurs lieux de travail dans des conditions de sécurité sanitaire maximales", a demandé Bruno Le Maire, ministre de l’Economie.
"De nombreux salariés ont demandé à ce que leurs employeurs prennent des mesures d’activité partielle, sans quoi ils exerceraient un droit de retrait", évoque le président délégué du Medef, Patrick Martin, à l’AFP. "Cela met à l’arrêt la plupart des secteurs d’activité, dont ceux dont l’activité n’a pas été suspendue par les récentes mesures", ajoute-t-il. Pour lui, Emmanuel Macron "n’a pas assez insisté sur la nécessaire continuité de l’activité économique". Le ministre de l’Economie note, depuis quelques jours, une "tension" en matière de salariés dans certains secteurs pourtant vitaux comme les supermarchés ou les transporteurs. Pour l’instant, il n’y a pas de pénurie dans la grande distribution, mais tout au long de la chaîne, l’inquiétude monte.
Manque de bras pour les récoltes agricoles
Par exemple, la FNSEA, le principal syndicat agricole, a publié un communiqué pour alerter sur le manque de bras, notamment en raison de la fermeture des frontières, alors que les récoltes de fruits et légumes vont commencer d’ici un mois. L’agriculture française "est pleinement mobilisée pour faire face à cette crise. Elle a besoin d’accompagnement urgent dans le domaine de l’emploi pour répondre pleinement à la demande de la nation", argue la FNSEA.
En Moselle, après l’hospitalisation d’un salarié pour cause de Coronavirus sur le site de la boulangerie industrielle Neuhauser à Folschviller, les salariés ont exercé leur droit de retrait. Ils ont dénoncé le "manque total des mesures d’hygiène et de sécurité de base". Les caissières, en première ligne dans les supermarchés, dénoncent également le manque de protection alors que Bruno Le Maire avait évoqué des mesures à mettre en place comme une vitre en plexiglas. "Les conditions de travail des caissières sont souvent indigentes compte tenu des dangers de contamination au coronavirus", dénonce dans Bastamag Laurent Degousée, co-délégué de la fédération Sud commerce. "Certaines doivent acheter elles-mêmes leur gel hydroalcoolique !", alerte-t-il.
Les salariés font pression
Vendredi 20 mars, la situation s’est apaisée dans quelques secteurs. La fédération des entreprises de l’eau (FP2E) réclamait depuis le début de la crise des masques, notamment pour ces agents en stations d’épuration. Elle les a obtenus le 20 mars après avoir alerté le gouvernement, tout comme les éboueurs, dont certains avaient déjà cessé le travail. Du côté de l’énergie, secteur essentiel, des géants comme EDF et le transporteur d'électricité RTE ont mis en place des politiques pour protéger leurs salariés tout en assurant toutes leurs activités.
Dans les secteurs non vitaux cependant, la situation s’envenime. Beaucoup ne comprennent pas l’intérêt de "monter au front" alors que leurs postes ne sont pas indispensables. Les livreurs travaillant avec des plateformes comme Deliveroo ou Uber Eats ont ainsi organisé une grève le 20 mars pour dénoncer le manque de protection. La Poste fait face à une recrudescence du droit de retrait chez les facteurs. La situation a été particulièrement explosive avec la fédération du BTP qui n’a guère apprécié que la ministre du travail la tacle pour son "manque de civisme" et remette en cause le droit au chômage partiel.
Pour apaiser la situation, et éviter la défection des salariés dans tous les secteurs, Bruno Le Maire a appelé toutes les fédérations et les grandes entreprises à verser une prime de 1000 euros totalement défiscalisée à leurs salariés, "notamment dans les secteurs vitaux comme l’agroalimentaire ou la grande distribution". Auchan a répondu à l'appel à annonçant verser cette prime à 65 000 de ses collaborateurs "des magasins, entrepôts, drives, services de livraison à domicile et site de e-commerce".
Marina Fabre, @fabre_marina