Publié le 11 décembre 2022
POLITIQUE
Qatar 2022 : la compétition sportive n’a pas dissipé le parfum de corruption qui flotte jusqu’au Parlement européen
Les appels au boycott se sont taris face aux matches de football mais la corruption dénoncée depuis l’attribution de la Coupe du Monde poursuit ses ravages. Elle est à l’origine de l’interpellation de la vice-présidente grecque du Parlement européen vendredi. Eva Kaili, du parti S&D, s’était félicitée de l’efficacité de la "diplomatie sportive qui avait permis au Qatar de devenir exemplaire sur le droit du travail". Elle aurait été payée pour cela ainsi que d’autres parlementaires et un représentant de la Confédération syndicale internationale (ITUC). Le lobbying intensif du Qatar pour redorer son image ternie n’a pas de prix !

@CCO
Si la compétition sportive qui réunit les meilleurs joueurs du monde tient en haleine des millions de supporters, l’actualité du Qatar hors du stade est nettement plus sulfureuse. L’opération de relations publiques mondiales à 200 milliards d’euros, destinée à promouvoir le Qatar, n’a pas permis d’effacer l’image d’un pays qui doit la Coupe du Monde à un lobbying basé sur la corruption. Dernier épisode : la mise en cause de plusieurs parlementaires européens, dont la vice-présidente grecque Eva Kaili appartenant au parti Alliance progressiste des Socialistes et Démocrates (S&D) vendredi.
Elle est soupçonnée d’avoir reçu de l’argent d’un État du Golfe, le Qatar, pour "influencer les décisions économiques et politiques" du Parlement. Une quinzaine de perquisitions ont été ordonnées par le parquet belge et 600 000 euros en liquide aurait été retrouvés. L’article du Monde consacré à cette affaire hors norme raconte la sidération du Parlement et rapporte le témoignage de parlementaires qui n’avaient pas compris les réticences des membres du parti S&D à vouloir adopter une résolution, le 24 novembre dernier, sur le Qatar. Une partie d’entre eux s’est opposé en particulier à un amendement qui "condamnait le non-respect par le Qatar de sa responsabilité première de protéger les droits de l’homme et les droits des travailleurs migrants sur son territoire lors de la préparation de la Coupe du monde de la FIFA 2022 et d’enquêter sur la mort de milliers de travailleurs migrants, souvent imputée de manière arbitraire à des causes naturelles”.
Une kyrielle de controverses
Cette nouvelle affaire qui s’ajoute à une kyrielle d’autres, montre les limites des capacités du Qatar à acheter une réputation sans tâche grâce à la Coupe du monde. La mort de milliers de migrants qui ont construit les stades comme les droits bafoués des communautés LGBT+ sont associés à l’évènement. Les militants qui ont fait irruption sur le terrain et les joueurs qui ont tenté de s’exprimer l’ont malgré tout payé cher. Terrible symbole : le journaliste vedette américain, Grant Whal, qui avait été arrêté par les forces de sécurité pour avoir porté un T-shirt arc en ciel lors du match États-Unis/ Pays de Galles est mort vendredi, à 48 ans, foudroyé dans le stade où se jouait Argentine/Pays-Bas. Il travaillait pour CBS Sports et, en 2011, avait proposé sa candidature à la tête de la FIFA pour dénoncer les conditions d’attribution des Mondiaux de football, à la Russie et au Qatar.
La justification des officiels soulignant l’amélioration des conditions de travail au Qatar grâce à la Coupe du Monde a été démentie par les témoignages recueillis par les journalistes occidentaux. Le journal 20 minutes a raconté l’histoire vraie des ouvriers privés de passeports et de salaires par le Mondial, comme Paul venu d’Ouganda. So Foot a publié le témoignage d’Absdeslam Ouaddou qui a joué au Qatar entre 2010 et 2012 et qui est, depuis, devenu un ardent défenseur des droits humains protestant contre l’octroi de la Coupe du Monde au Qatar depuis dix ans.
L’International marocain "traité comme un esclave par les Qataris" regarde quand même la compétition comme des millions d’autres amateurs de football. Il rappelle que la pression sur le respect des cahiers des charges sociaux et environnementaux doit être maximale au moment de l’attribution de la compétition pas quand il est trop tard et qu’il "ne reste plus qu’à avoir une pensée pour les travailleurs morts en se souvenant que les terrains du Qatar sont des terrains de sang".
Anne-Catherine Husson-Traore, @AC_HT_, directrice générale de Novethic