Publié le 17 octobre 2023
POLITIQUE
Les Polonais défendent les valeurs européennes en votant pour la coalition de Donald Tusk
Les Polonais ont doublement surpris lors de leurs élections législatives, par le niveau de leur participation (près de 73%) et par leur choix clairement pro-européen. La coalition civique emmenée par Donald Tusk a remporté un franc succès faisant mentir les sondages et mettant fin à la domination totale du PiS, le parti Droit et Justice qui s’était affranchi de nombreuses règles européennes. Le scrutin s’est joué sur les droits des femmes et des minorités LGBTQIA+ mais les enjeux environnementaux, en particulier autour de l’exploitation minière, ont été tout aussi cruciaux.

JANEK SKARZYNSKI / AFP
La Pologne, comme l’Espagne cet été, a fait mentir les sondages. Ceux-ci annonçaient une domination du parti au pouvoir, Droit et Justice (PiS), qui devait s’appuyer sur l’extrême droite en pleine progression pour l'emporter. Or si le scrutin, qui a enregistré la participation la plus élevée depuis 1989, date des premières "élections libres" du pays, donne effectivement la victoire au PiS en nombre de voix (200 sièges), ce n'est pas suffisant pour gouverner, y compris si on y ajoute les douze sièges remportés par l’extrême-droite.
En face, la Coalition civique qui rassemble trois formations, celle de Donald Tusk, des chrétiens-démocrates de la Troisième voie et de la Gauche revendique 248 sièges. Les jeunes et les femmes ont particulièrement soutenu ce retour vers les valeurs de l’Union Européenne qui devrait permettre de libéraliser le droit à l’avortement, respecter ceux des minorités LGBTQIA+, retrouver un État de droit et une liberté de la presse... De quoi débloquer les 35 milliards d’euros de relance post-Covid, retenus par l’UE. C'était l’un des principaux objectifs de Donald Tusk, ancien leader européen et ex-Premier ministre polonais qui a lancé sa "coalition civique" pour ramener son pays dans le giron européen.
Avancées pour les femmes et les minorités LGBTQIA+
La coalition rassemble plusieurs formations qui n’ont pas toutes les mêmes opinions mais ont réussi à se mettre d’accord sur un programme orienté à gauche, basé sur le respect des droits des femmes et des minorités LGBTQIA+, particulièrement discriminées en Pologne où l’avortement est devenu quasiment illégal. Son parti, au départ plutôt catholique et conservateur, propose maintenant de libéraliser le droit à l’avortement, de rendre gratuite la médecine prénatale et la fécondation in vitro tout en créant une sorte d’équivalent du Pacs (Pacte civil de solidarité). Il envisage même la séparation financière de l’Église et de l’État.
Ancien leader étudiant de la grande époque Solidarnosc, né à Gdansk, Donald Tusk avait réussi un premier coup de force début octobre avec la manifestation contre le gouvernement conservateur. Elle avait rassemblé un million de personnes dans les rues de Varsovie.
1 000 000
Kocham Was! pic.twitter.com/NWHVqq6WpB— Donald Tusk (@donaldtusk) October 1, 2023
Sortie du charbon : pas encore de date
Sur le plan environnemental, les principaux enjeux portent sur l’exploitation des mines de charbon, en particulier celle de Turow et sur la dépollution du fleuve Oder. La mine de lignite à ciel ouvert de Turow devait fermer en 2020 mais une décision du gouvernement actuel vise à prolonger son exploitation jusqu’en 2044. Elle a été attaquée devant la Cour de Justice Européenne qui a condamné le pays à une astreinte de 50 000 euros par jour pour non-respect des procédures européennes en particulier les études d’impact environnemental. Les mines de charbon, dont celle-ci qui alimente 7% de l’électricité polonaise, sont un des sujets que la coalition de Donald Tusk va devoir traiter pour tenir ses engagements climat et énergie.
Ces derniers ont été analysés par Greenpeace Pologne qui a publié une étude comparative des programmes environnementaux des principaux candidats. Pour l'ONG, les orientations sont bonnes puisque les objectifs affichés sont d’atteindre 68% d’énergies renouvelables dans le mix énergétique de la Pologne d’ici 2030 et de réduire de 75% les émissions de gaz à effet de serre à la même date. En revanche aucune date de sortie des énergies fossiles n’est intégrée au programme, ce qui inquiète Greenpeace puisque c’est un des seuls pays européens à ne pas avoir ce type d’engagement.
Il faudra encore quelques semaines pour que la Coalition prenne effectivement le pouvoir et change la culture gouvernementale polonaise, ce qui ne se fera pas sans résistance. Mais ce score inattendu renverse les rapports de force à l’est de l’Europe où le pouvoir est dominé par des formations tout aussi hostiles au Green Deal qu’au "wokisme". C’est de bon augure pour les Pays-Bas qui organisent eux aussi des législatives en novembre, et notamment pour la coalition équivalente à celle de Donald Tusk, emmenée par Frans Timmermans, l’ancien Commissaire européen qui portait le Green Deal. Si elle gagne aussi, cela montrera que les citoyens européens ne sont pas prêts à l’enterrer malgré ce que semblent croire les partis conservateurs prêts à s’allier à l’extrême droite pour le diluer, autant que faire se peut.
Anne-Catherine Husson-Traore, directrice des publications de Novethic