Publié le 24 juillet 2023
POLITIQUE
L’Espagne fait barrage à l’extrême droite et protège ainsi le Pacte vert européen
Les Espagnols étaient appelés aux urnes dimanche 23 juillet pour des élections législatives anticipées. Alors que la droite était donnée grande gagnante, elle n’a finalement devancé le parti socialiste que de quelques voix. Ce résultat est un coup de frein aux stratégies d’alliance entre partis de droite et d’extrême droite au pouvoir dans d’autres pays européens comme la Suède qui fragilisent la stratégie européenne autour de son pacte vert. Le parti d’extrême-droite Vox n’est plus l’allié naturel du parti populaire et les tractations se poursuivent pour former un nouveau gouvernement.

@Greenpeace
L’Espagne siffle la fin de la partie. Alors que les pronostics tablaient sur une victoire écrasante de la droite espagnole et de l’extrême droite, dans la lignée des précédentes élections en Suède, Finlande, Italie et Grèce, le Partido popular (PP) ne devance finalement que de quelques voix le PSOE, parti socialiste de l’actuel Premier ministre Pedro Sanchez.
Le PP du conservateur Alberto Núñez Feijóo a finalement remporté 136 sièges sur un total de 350 au congrès des députés, alors que le parti d'extrême droite Vox, son seul allié potentiel, en gagnait 33. Ils ne totalisent donc à eux deux que 169 sièges, loin de la majorité absolue, qui est de 176.En face, le Parti socialiste (PSOE) de Pedro Sánchez dispose, lui, de 122 députés et Sumar, son allié de gauche radicale, de 31.
"Le bloc rétrograde du Parti populaire et de Vox a été battu. Nous sommes beaucoup plus nombreux à vouloir que l'Espagne continue à avancer et il en sera ainsi", a lancé Pedro Sanchez devant des militants euphoriques criant "No pasarán" ("Ils ne passeront pas !"), slogan antifasciste de la Guerre civile.
"Le changement climatique, vous vous en fichez ?"
La campagne de la gauche, centrée sur la peur d'une entrée de l'extrême droite au gouvernement en cas de victoire du PP, semble avoir payé. La participation a atteint près de 70%, soit 3,5 points de plus que lors du dernier scrutin, en novembre 2019. Le scrutin a notamment suscité un intérêt inhabituel à l'étranger en raison de la possibilité de l'arrivée au pouvoir de cette coalition PP/Vox dans un pays considéré comme pionnier en matière de droits des femmes ou de ceux de la communauté LGBT+.
Ce sont ces sujets qui ont sans surprise dominé les débats, au détriment du changement climatique, malgré la sécheresse qui frappe le pays et les records de température battus quelques jours seulement avant le scrutin. Pour frapper les esprits, Greenpeace a déployé une banderole géante le 11 juillet Puerta de Alcala, en plein cœur de la capitale madrilène, pour alerter les candidats et la population. On y voit le visage des quatre principaux candidats avec ce slogan provocateur : "Le changement climatique vous vous en fichez ?"
Les organisations environnementales parmi lesquelles Extinction Rebellion, Fridayd for Future, Greenpeace, WWF, Amigos de la Tierra ou encore Rebelion cientifica ont également appeler à "voter pour la planète" et à faire bloc contre les partis "négationnistes ou qui retardent la lutte contre le changement climatique alors que le moment est crucial". Si elles n’ont jamais cité de noms de partis, on reconnaît aisément le PP et Vox.
Sortir de l’Accord de Paris
Dans son comparateur de programmes, Greenpeace estime ainsi que le PSOE et Sumar proposent "des mesures avec des degrés d'ambition différents et toujours dans la lignée d'avancer dans la lutte contre le changement climatique, la protection de la diversité et le renforcement des administrations pour garantir les droits". Tandis que de l’autre côté, le PP "propose des mesures qui retardent et assouplissent les objectifs et les calendriers fixés, ou qui impliquent des reculs nets" et Vox défend "des mesures négationnistes et un retour à des scénarios passés qui n'ont plus leur place". Il envisage par exemple de sortir de l’Accord de Paris.
Les tractations sont désormais à l’œuvre pour tenter de dégager une majorité d’un côté comme de l’autre. Le cas échéant, l'Espagne, qui a déjà connu quatre élections générales entre 2015 et 2019, serait condamnée à un nouveau scrutin. Cela semblerait d’autant plus compliqué que le pays occupe jusqu'à fin décembre la présidence tournante de l'Union européenne et que les élections européennes sont programmées pour juin 2024.
Le message des Espagnols est clair : il n’y a pas de voie royale pour la stratégie d’union des droites voulue par Manfred Weber, l’actuel leader du PPE, le partir conservateur européen. Il a déjà perdu une première manche avec l’adoption de la loi sur la nature le 12 juillet. Le résultat électoral de dimanche 23 juillet est une seconde manche perdue. La stratégie consistant à s’appuyer sur les percées de Fratelli d’Italia de Georgia Meloni en Italie, du parti droit et justice (PiS) du Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki et celle de Vox en Espagne pour gagner les élections européennes l’année prochaine à droite toute, est mise à mal. L’été de tous les dangers climatiques en Europe du Sud pourrait venir contrarier les plans de tous ces grands défenseurs de l’agriculture intensive aux discours ouvertement climatosceptiques.
Concepcion Alvarez avec AFP