Publié le 25 août 2023
POLITIQUE
Premier test électoral pour le Green deal aux Pays-Bas
Porteur et incarnation du Green deal européen, le vice-président de la Commission Frans Timmermans, a démissionné pour prendre la tête d’une liste sociale-démocrate et écologiste aux Pays-Bas aux législatives anticipées de l’automne. S’il l’emporte, il pourrait diriger le pays. Mais il fait face à des adversaires de droite libérale et d’extrême droite qui pourraient centrer les débats autour de l’immigration, même si l’agriculture intensive défendue par le parti des agriculteurs sera au centre du jeu puisqu’il devrait être l’arbitre du scrutin.

@Greg Baker / AFP
Petit pays surexposé aux risques climatiques (un tiers de ses terres sont en dessous du niveau de la mer), les Pays-Bas vont voter pour des élections législatives anticipées en novembre prochain. Cela fait suite à l’éclatement de la coalition portée par Mark Rutte. Premier ministre néerlandais pendant dix ans, il s’est retiré de la politique en juillet à la surprise générale alors que son parti libéral (VVD) était en tête des sondages pour les élections provoquées par l’éclatement de sa coalition sur les conditions d’accès au droit d’asile. Le premier ministre sortant voulait adopter une loi le réduisant drastiquement ce à quoi étaient opposés ses alliés sociaux-démocrates. Le retrait de Mark Rutte au bénéfice de sa ministre de la Justice d’origine kurde, née en Turquie, pourrait modifier la nature des débats. Arrivée aux Pays-Bas grâce au droit d’asile, Dilan Yesilgöz-Zegerius, serait la première femme à diriger le pays si elle gagne les élections. Elle n’a pas exclu, lors de son entrée en campagne la semaine dernière, une alliance éventuelle avec le parti d’extrême droite, le PVV de Geert Wilders, très virulent contre l’islam et l’immigration.
Chaque gouvernement est en principe composé de coalitions de nature variée dans un pays où le Parlement compte vingt formations politiques différentes. L’arbitre des élections de l’automne sera sans doute le nouveau parti des agriculteurs (BBB). Emmené par une figure haute en couleurs, Caroline Van der Plas, il a raflé une grande partie des sièges au Senat au printemps dernier et en est devenu la première force politique alors qu’il n’existait pas deux ans auparavant. Le mouvement agriculteurs citoyens est né des actions menées par les agriculteurs néerlandais contre le plan de réduction des pollutions liées à l’élevage intensif dit "plan azote". Leurs défilés de tracteurs ont pesé dans un pays qui a pris des engagements environnementaux forts. Plus de 120 mesures climatiques avaient été décidées, dont celle de ne plus financer aucune nouvelle infrastructure, routes comprises, ou interdire les jets privés à l'aéroport d'Amsterdam.
Quelle place pour le climat ?
Fin juillet les trois formations, gauche, droite libérale et parti des agriculteurs étaient à égalité dans les sondages, entre 15 et 18 % des voix pour chacune. L’arrivée de Frans Timmermans, ex-diplomate et ex-ministre des Affaires étrangères, personnalité européenne de premier plan, va-t-elle changer la donne ? Il faudrait pour cela que la campagne reste centrée sur les enjeux environnementaux alors que l’immigration, aux Pays-Bas comme ailleurs, est l’épouvantail agité pour détourner l’attention. Pourtant l’action climatique, prévention et adaptation, devrait être le premier thème de la campagne des élections européennes de juin prochain.
Pour la troisième fois consécutive, les Européens sont confrontés à un été de tous les dangers. Incendies, canicules et inondations se succèdent à un rythme effréné. Les inondations de l’été 2021 en Allemagne avaient eu une influence considérable sur le scrutin de septembre suivant et le programme de la coalition toujours au pouvoir.
En revanche, les conséquences dramatiques du changement climatique sur la production agricole espagnole et la désertification progressive du pays qu’il entraîne n’ont pas fait partie des débats lors des élections anticipées espagnoles en juillet. Les électeurs espagnols ont malgré tout décidé de stopper la progression de Vox, le parti d’extrême droite climato-sceptique.
Le résultat des législatives néerlandaises et le score de Frans Timmermans seront donc un bon indicateur sur la capacité des États membres à verdir leur modèle pour adapter rapidement l’économie à des temps qui changent beaucoup plus vite que prévu grâce au Green Deal !
Anne-Catherine Husson-Traore, directrice des publications de Novethic