Publié le 14 août 2018
GOUVERNANCE D'ENTREPRISE
Glyphosate : Bayer poursuit la politique de déni de Monsanto
Bayer l'avait promis, pour se détacher de la mauvaise réputation de Monsanto et de ses pratiques, il miserait sur la "transparence" et la "responsabilité". Promesse difficile à tenir quand on commercialise désormais des produits comme le Roundup. Seulement un mois après la fusion, Monsanto vient d'être condamné par la justice américaine à verser 289 millions de dollars à un jardinier. Une première crise à gérer pour Bayer.

©BayerFrance
Bayer sous pression. Un mois après avoir été autorisé à racheter le géant des OGM Monsanto, le groupe allemand affronte sa première épreuve. Monsanto vient d’être condamné aux États-Unis à verser 289 millions de dollars à un jardinier atteint d’un cancer qu’il attribue au glyphosate.
Face à cette décision historique - c’est la première fois que Monsanto est condamné sur le glyphosate -, la réaction de Bayer est scrutée à la loupe. Le groupe allemand, après avoir supprimé le nom de Monsanto pour ne pas traîner sa mauvaise réputation, avait promis la transparence et la responsabilité. Or Bayer peine déjà à convaincre.
Bayer défend Monsanto et le glyphosate
Dès l’annonce de la condamnation de Monsanto, le PDG de Bayer France a nié les effets néfastes du glyphosate. Il a estimé sur Europe 1 que le "glyphosate ne constitue pas de danger". Franck Garnier s’appuie sur les autorisations de mise sur marché des agences sanitaires. Mais le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), branche de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), a pourtant classé le glyphosate comme cancérigène probable en 2015.
Bien sûr, Bayer ne va pas mettre en avant sa "responsabilité" alors qu’il vient de racheter une firme dont les produits et les pratiques sont pointés du doigt depuis des décennies. "En rachetant Monsanto, vous achetez l’actif et le passif économique, mais vous acheter aussi toute une gamme de produits et une éthique, une politique", estime sur France Info, Paul François, un agriculteur français ayant fait condamner Monsanto pour l’usage du Lasso, un herbicide désormais interdit dans l’Hexagone.
Un risque juridique à 10 milliards de dollars
"Donc je vois mal Bayer aujourd’hui dire : on est désolé, on a racheté une société et on ne savait pas que ce produit pouvait être cancérigène. Bayer ne pouvait ignorer les procédures en cours. Bayer ne pourrait ignorer le côté dangereux de ce produit. Bayer ne pouvait pas ignorer non plus le comportement de cette firme", affirme Paul François.
Et il ne pouvait pas non plus ignorer les conséquences financières de ce rachat à 63 milliards de dollars. Lundi 13 août, après l'annonce de la condamnation, Bayer accusait une baisse de 12 % à la Bourse de Francfort. Et il ne s'agit ici que du premier procès. 5 000 dossiers similaires sont encore en attente. La facture pourrait atteindre 10 milliards de dollars estime pour l'AFP Michael Leacock, analyste chez MainFirst.
Bayer traîne aussi des boulets
Le groupe allemand a pourtant fait le maximum pour prendre ses distances avec les pratiques de Monsanto. Après la publication des Monsanto Papers, il a par exemple décidé de lancer un site interne qui permet au public d’accéder aux études sur les produits phytosanitaires qu’il commercialise. "Bayer est une société responsable, engagée en faveur d’une agriculture moderne et durable et à l’écoute des attentes sociétaires", affirme Franck Garnier. Mais ce n’est pas l’avis de tous.
"Jusqu’à maintenant, Bayer pouvait faire ses affaires en se cachant derrière Monsanto, maintenant c’est le nom de Bayer qui va être sous les projecteurs", estime Christian Berdot des Amis de la Terre. Car si Monsanto est devenu un épouvantail auprès du grand public, Bayer a lui aussi quelques boulets au pied. Pendant que le glyphosate et le Roundup font les gros titres, Bayer commercialise des néonicotinoïdes accusés de tuer les abeilles.
Marina Fabre @fabre_marina