Publié le 09 juin 2023

GOUVERNANCE D'ENTREPRISE

Carnac : colère et incompréhension après la destruction de 39 menhirs pour construire un Mr. Bricolage

7 000 ans d’histoire effacés au bulldozer. Trente-neuf menhirs ont été détruits à Carnac, dans le Morbihan pour la construction d’un magasin de l’enseigne française Mr. Bricolage. Un chantier qui suscite l’incompréhension et la colère des riverains et des défenseurs du patrimoine. Une plainte contre X a été déposée.

Carnac Menhirs AFP PHOTO / FRED TANNEAU
A Carnac, 37 menhirs ont été détruits pour laisser place à un magasin de bricolage, actuellement en construction.
AFP PHOTO / FRED TANNEAU

Par toutatis. Comment 39 menhirs ont-ils pu être détruits pour laisser la place à un magasin Mr. Bricolage ? C’est la question que s’est posée le Carnacois et ancien vice-président de l’association "Menhirs libres", Christian Obeltz.  Arrivé trop tard, l’archéologue amateur n’a pu que constater l’ampleur des dégâts. Dans un billet de blog publié vendredi 2 juin sur le site de l’association de défense du patrimoine, Sites et monuments, il décrit que "plusieurs aménagements brutaux ont été réalisés, cet hiver et au printemps, aux abords des alignements de menhirs dénaturant ce site mondialement connu".

Pour cet amateur de monolithes, "ces petits menhirs - allant de 50 centimètres à un mètre - constituaient sans doute l’un des ensembles de stèles les plus anciens de la commune de Carnac, à en juger par les datations au carbone 14 obtenues en 2010 sur le site voisin". Un rapport de l’Institut national de recherches archéologiques préventives avait conclu, après avoir mené des fouilles en 2015, sur la découverte probable "d’un alignement mégalithique inédit".

Or, un permis de construire a eu raison du site archéologique. Celui-ci a été délivré en août 2022 par le maire de la ville à SAS Au marché des druides, pour la construction d’un magasin Mr. Bricolage. Un permis "totalement illégal" pour Christian Obeltz. "Le site est répertorié au projet d’inscription au patrimoine mondial de l’Unesco, ce qui les oblige normalement à prévenir l’Architecte des bâtiments de France et la Direction régionale des Affaires culturelles (Drac) avant de lancer le projet", a expliqué l’archéologue à l’AFP. D’ailleurs, le permis de construire avait été une première fois refusé en 2015.

La mairie et l'enseigne plaident la bonne foi

Alors pourquoi ce revirement ? Du côté de la municipalité, on plaide l'ignorance. Contacté par nos confrères de Ouest-France, le maire de Carnac, Olivier Lepick, a expliqué ne pas être au courant que la zone était référencée dans l’Atlas des patrimoines, une plateforme de la Drac qui référence l’ensemble des sites archéologiques de France, et atteste avoir "parfaitement respecté la législation". Et l’édile n’hésite pas à justifier cette décision en invoquant "la faible valeur archéologique" des objets retrouvés lors des fouilles préventives. "Ce site n’était pas situé en zone de prescription archéologique obligatoire dans le plan local d’urbanisme", insiste la mairie, pointant une erreur de la Drac lors de la mise à jour du PLU.

Dans un communiqué, la Drac a tenu à s'exprimer : "du fait du caractère encore incertain et dans tous les cas non majeur des vestiges tels que révélés par le diagnostic, l’atteinte à un site ayant une valeur archéologique n’est pas établie". 

Même explication du côté de la SAS Au marché des druides, qui assure que "la Commission départementale d'aménagement commercial (Cdac) du Morbihan a donné son accord pour l'exploitation commercial en janvier 2022". Le gérant, Stéphane Doriel, a expliqué auprès du journal Ouest-France avoir "déposé un permis de construire, qui a été instruit, affiché, qui a purgé les délais de recours. Aucun service, aucun document ne nous a jamais avertis d’une prescription". "Je ne suis pas archéologue, je ne connais pas les menhirs ; des murets, il en existe partout. Si on avait fait cela, on aurait fait autrement", ajoute-t-il.

Une plainte contre X déposée

Pour l’archéologue  Christian Obeltz, l'explication se trouve ailleurs. Il s'agit selon lui d'accélérer avant que l'Unesco ne se prononce sur l'inscription du site au patrimoine mondial. "Les élus de ce secteur, le département, le Centre des monuments nationaux se pressent ainsi de construire ou d’aménager à tout va car après avec l’Unesco, ce ne sera pas possible", explique-t-il.

Une association de défense du patrimoine, Koun Breizh ("Mémoire bretonne", en breton, ndlr), a d’ores-et-déjà annoncé avoir porté plainte contre X, plainte que le parquet n'a pas encore confirmé. "L’objectif de cette plainte n’est pas de mettre en cause tel ou tel élu, mais d’éclairer le processus de décision qui a abouti à ces destructions malgré toutes les formes de protection prévues par la loi", a expliqué le président de l’association, Yvon Ollivier, à l’AFP. Ajoutant :"il s’agit de faire en sorte que de tels faits ne se reproduisent plus".

Blandine Garot


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