Publié le 28 septembre 2020
GOUVERNANCE D'ENTREPRISE
BNP Paribas sous le coup d’une enquête judiciaire pour complicité de crime contre l’humanité au Soudan
Près d’un an après le dépôt d’une plainte avec constitution de partie civile par la FIDH, la Ligue des droits de l’homme (LDH) et neuf militants soudanais, une information judiciaire a été ouverte au tribunal de Paris contre la banque. Les associations plaignantes accusent la banque d’avoir fourni des services bancaires au gouvernement soudanais, entre 2002 et 2008, la rendant ainsi "complice" du génocide contre le peuple du Darfour.

@cco
En fournissant des services bancaires au gouvernement soudanais au plus fort des exactions commises contre les populations du Darfour, BNP Paribas s’est-elle rendue complice de génocide et donc de crime contre l’humanité ? C’est la question à laquelle vont devoir répondre les juges du tribunal de Paris. À la suite de la plainte de plusieurs ONG (FIDH et LDH) et de neuf victimes soudanaises, une information judiciaire a en effet été ouverte le 26 août pour complicité de crimes contre l’humanité, de génocide et d’actes de torture et de barbarie, selon l’AFP.
Cette plainte se base notamment sur une condamnation de BNP par les autorités américaines datant de 2014 pour violation des embargos américains contre le Soudan, Cuba et l'Iran. En plaidant coupable, la banque a "reconnu avoir fourni au gouvernement soudanais un accès à des milliards de dollars américains et au système financier américain qu'il n'aurait pu avoir sans son concours", observent les plaignants.
Mais si l’institution financière a dû s’acquitter d’une amende record de 8,9 milliards de dollars, elle n’a pas reçu de condamnation pénale. Or c’est bien ce qu’attendent les victimes soudanaises, précise Clémence Bectarte, l’avocate et coordinatrice du Groupe d’action judiciaire de la FIDH. Elle représente les plaignants contre la banque française. "Cette action s’inscrit dans un contexte plus large d’effort des victimes soudanaises pour lutter contre l’impunité, en faisant sanctionner non seulement les responsables directs mais aussi leurs complices", souligne-t-elle au micro de RFI.
Sans argent, pas de crime de masse
"On sait que sans argent, sans moyens financiers importants, les autorités étatiques ou les groupes armés non étatiques, ne peuvent pas perpétrer des crimes de masse d’une telle ampleur. La question est donc de savoir si, pour une banque comme BNP Paribas servir de banque centrale comme cela a été établi par les autorités américaines au Soudan, peut être analysé comme une complicité de crime contre l’humanité", précise l’avocate. Plus généralement, il s’agit aussi d’utiliser le "cadre délaissé" de "la responsabilité pénale des entreprises", assure Patrick Baudouin, président d'honneur de la FIDH. C’était par exemple le cas de l’action de Sherpa contre Lafarge en Syrie, bien que les poursuites aient été annulées par la Cour d’appel de Paris.
"Nous n'avons pas connaissance de l'ouverture d'une procédure pénale à ce jour. Et en tout état de cause, nous ne commentons pas les procédures judiciaires", a déclaré la banque à l'AFP. C’est désormais au doyen des juges d'instruction du tribunal de Paris de déterminer si cette plainte est recevable.
C’est en tous cas la deuxième fois que BNP Paribas est visée par une information judiciaire du pôle crimes contre l’humanité du tribunal de Paris. La première banque européenne est en effet sous le coup d’une autre enquête, datant de 2017, pour des faits similaires au Rwanda. Trois juges d’instruction enquêtent sur son rôle pendant le génocide à la suite de la plainte de plusieurs ONG l’accusant d’avoir financé en 1994 un achat d’armes au profit de la milice hutue.
Béatrice Héraud avec AFP