Publié le 20 août 2019
ENVIRONNEMENT
Les États-Unis veulent s’emparer du Groenland… tout comme la Chine et la Russie
L’annonce de Donald Trump de vouloir racheter le Groenland n’est pas qu’une nouvelle sortie tonitruante. C’est un enjeu stratégique pour de nombreux pays. À la faveur de la fonte des glaces, des terres et mers deviennent plus accessibles. Cela donnerait accès à de considérables réserves de matières premières et de nouvelles routes commerciales, que la Chine et la Russie convoitent tout autant que Washington.

@Olga_Gavrilova
Mi-août, Donald Trump a évoqué la possibilité de racheter le Groenland, actuellement territoire autonome rattaché au royaume du Danemark. Une déclaration qui a créé la surprise et provoqué de nombreuses railleries. Mais à y regarder de plus près, le sujet est très sérieux. L’attrait de la plus grande Île du monde est à lire dans un contexte de fonte des glaces du Grand Nord, de guerre commerciale et du réarmement des grandes puissances.
Cela fait longtemps que Washington lorgne sur le Groenland. Dès 1867, les États-Unis voulaient racheter l’immense territoire, grand comme quatre fois la France. En 1947, une nouvelle offre sera faite sans succès, mais les États-Unis obtiendront d’y établir des bases militaires. Désormais, deux autres puissances se mêlent au contrôle de ce territoire. La Russie veut un contrôle militaire sur le Grand Nord, et la Chine y voit une immense opportunité économique.
Transition énergétique et numérique
On comprend Pékin. À la faveur du réchauffement climatique, de plus en plus de côtes et de sols sont libérés des glaces. Et ces zones libres sont des eldorados car le territoire serait très riche en matières premières. On y trouve du nickel, du cuivre, du calcaire, de l’or, de l'uranium... Mais surtout, le Groenland posséderait les deuxièmes réserves mondiales de terres rares, en particulier du neodymium, praseodymium, dysprosium et terbium. Autant de matériaux indispensables aux voitures électriques, aux téléphones portables, aux éoliennes…
Aujourd’hui 90 % de la production des terres rares est aux mains de la Chine, qui, à tout moment, peut ajuster ou tarir ses exportations. Ce qui fait frémir les États-Unis et de nombreuses économies à travers le monde. Au-delà de ces matières premières, le contrôle du Groenland offre aussi la maîtrise des routes maritimes dans l’océan Arctique de plus en fréquemment libéré des glaces.
Donald Trump a assuré que l’offre de rachat n’est pas une priorité de son mandat : "Le concept a surgi et j’ai dit que stratégiquement, c’est certainement intéressant et que nous serions intéressés", explique l’hôte de la Maison blanche. Copenhague rejette la proposition sèchement : "Le Groenland n'est pas à vendre. Le Groenland n'est pas danois. Le Groenland appartient au Groenland. J'espère vraiment que ce n'est pas sérieux", réagit la Première ministre danoise Mette Frederiksen.
À la recherche d’investisseurs
Du côté du Groenland, on est plus mesuré. Le territoire est dépendant à 60 % des subsides du Danemark et verrait d’un bon œil les investissements américains. "Le Groenland est riche en matières précieuses, en eau douce, en stocks de poissons, en produits marins, en énergies renouvelables et c’est une nouvelle frontière touristique. Nous sommes ouverts aux affaires mais pas à la vente", commente Ane Lone Bagger, ministre des affaires étrangères. "Notre coopération avec les États-Unis est bonne, et nous voyons [l’offre de rachat] comme une expression d’intérêt pour investir dans notre pays", ajoute même Steve Sandgreen, membre du bureau du Premier ministre du territoire.
Ce que les États-Unis imaginent réaliser par la voie diplomatique, la Chine entend le faire par la voie économique. Le pays est désireux d’investir dans les infrastructures de transports groenlandais, en particulier les aéroports. Et le pays est au capital de la plus grande entreprise minière de la région : "Greenland Minerals". Ce positionnement s’inscrit dans le cadre des nouvelles routes de la soie, ce grand plan d’investissements à l’échelle mondiale pour asseoir une domination chinoise.
Ludovic Dupin @LudovicDupin