Publié le 04 décembre 2021
ENVIRONNEMENT
Face à la pollution dans l’espace, une économie circulaire du spatial émerge
Un peu plus de 2000 satellites en service pour des millions de déchets spatiaux. Voilà à quoi ressemble l’espace orbital aujourd’hui. Observés par les agences spatiales comme le lait sur le feu, ces débris posent avant tout des problèmes de sécurité pour les astronautes en mission ou les matériels en orbite. Ce qui amène les ingénieurs à réfléchir à de nouvelles solutions vers une économie circulaire de l’industrie spatiale.

Crédits : ESA
Quand la réalité dépasse la fiction, ou presque. Mardi 16 novembre, l’armée russe a testé un nouveau missile orbital pour détruire un ancien satellite. Un événement qui rappelle le film américain de science-fiction Gravity, dont le scénario raconte, à quelques détails près, le même incident. Si l’équipe de la Station Spatiale Internationale (ISS) n'a pas dû fuir sa station, elle a été contrainte de se préparer à une évacuation imminente.
Le sujet de la pollution spatiale, peu connu du grand public, est un vrai enjeu de sécurité alors que plusieurs millions de débris gravitent 24h sur 24 au-dessus de nos têtes. ""Il est vrai de dire que nous avons pollué l’espace orbital. Il y a surtout des conséquences sécuritaires. Les débris peuvent mettre en danger les astronautes en mission ou endommager des satellites stratégiques des pays comme ceux permettant d’observer le climat par exemple", explique Benjamin Bastida-Virgili, ingénieur spécialiste du sujet à l’Agence spatiale européenne (ESA).
Selon l’ESA, les débris les plus dangereux mesurent entre 1 et 10 cm ou au-delà. Peu volumineux en apparence, lorsqu’on multiplie leur masse par leur vitesse de déplacement, les dégâts peuvent être irréversibles sur un matériel en orbite. Aujourd’hui, la surveillance se concentre surtout sur les satellites en fin de vie et positionnés en orbite basse, c’est-à-dire à 2000 kilomètres d’altitude. Lorsqu’ils arrêtent de fonctionner, les équipements nouvelle génération sont programmés pour descendre dans l’atmosphère et se désintégrer. Le véritable problème se pose pour éliminer les satellites anciens et non équipés de cette fonctionnalité. L’idée de lancer un missile sol/espace pour détruire ces satellites n’est qu’une des solutions possibles. La Russie n’est par ailleurs pas la seule nation à opter pour ce procédé puisque la Chine et l’Inde l’ont déjà testé respectivement en 2017 et 2019.
Economie circulaire des équipements spatiaux
Consciente du risque de cette technique et face à l’augmentation exponentielle des satellites, l’ESA travaille sur des alternatives dans le cadre de son initiative "Clean space". Elle a signé l’année dernière un contrat de 86 millions d’euros avec ClearSpace SA, une start-up suisse qui fabrique un véhicule permettant "d’attraper" les satellites et les pousser dans l’atmosphère pour destruction. La première mission de cette "pince spatiale" est prévue en 2025.
L’ESA travaille aussi sur des solutions de ravitaillement en plein espace ou de remise à neuf des matériels gravitant autour de la terre. Le but est d’aller vers l’extension de la durée de vie des missions et de développer une forme d'" économie circulaire du spatial". L'utilisation de matériaux qui se désagrègent plus facilement dans l’atmosphère et de carburants plus propres, fait aussi partie des pistes explorées par l’agence. Il arrive en effet que certains satellites explosent à cause de l’instabilité du carburant utilisé.
Interrogé dans un communiqué de l’ESA, Jan Wörner, son directeur, précise : "(…) Avec le nombre global de satellites qui devrait augmenter rapidement au cours de la prochaine décennie, des enlèvements réguliers deviennent essentiels pour maintenir les niveaux de débris sous contrôle, pour éviter une cascade de collisions qui menacent d'aggraver le problème des débris." Si les Nations-unies ont établi des recommandations pour réduire la quantité croissante de débris spatiaux, chaque pays à ses propres pratiques en la matière et le torpillage de satellite n’est pas interdit quand bien même cette technique comporte des risques. "Cela rend difficile une politique globale efficace pour réduire les débris spatiaux", conclut Benjamin Bastida-Virgili.
Mathieu Viviani @MathieuViviani