Publié le 04 juillet 2023
ENVIRONNEMENT
Pesticides, solvants, nitrates… Notre eau du robinet est-elle contaminée ?
Une nouvelle alerte vient d’être lancée sur la contamination de l’eau du robinet dans neuf régions françaises, suite à une enquête du Parisien. Cette fois, elle concerne le 1,4-dioxane, un solvant classé comme cancérigène possible pour l'humain, utilisé dans l’industrie depuis 1950. Si les risques pour la santé ne sont pas avérés et aucune restriction d’usage imposée pour l’instant, ces révélations successives ont de quoi inquiéter.

@CC0
Pourquoi une nouvelle alerte intervient quelques mois seulement après la précédente ?
En avril dernier, un rapport publié par l’Anses, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, avait fait la Une des journaux. Il mettait en évidence la présence quasi-généralisée dans l’eau du robinet d’un dérivé de fongicide, le chlorothalonil, interdit en France depuis 2020. Si la substance active a été interdite parce qu’elle était considérée comme cancérogène "supposée", associée à l’apparition de tumeurs rénales sur les animaux de laboratoire, il n'y a pour l'instant aucune certitude pour le métabolite du chlorothalonil en raison du manque d’études, qui reste autorisée sous surveillance.
Mais ce rapport de l’Anses évoquait d’autres contaminations, qui à l’époque sont passées inaperçues car moins généralisées. Les analyses menées par l’organisme public sur ces molécules dites "émergentes", qui ne sont pas encore ou peu recherchées, avaient ainsi révélé la présence de résidus d’explosifs issus de la Première et Seconde guerres mondiales dont on ne connaît pas les effets sur la santé, et de 1,4-dioxane, un solvant classé comme cancérigène possible pour l'humain, utilisé dans l’industrie depuis 1950 (pharmacie, textile, papier, cosmétiques, détergents, peinture…). Il a été retrouvé dans 8% des captages investigués dans neuf régions françaises. L’Ile-de-France apparaît comme la plus touchée. Pour l’instant aucune restriction n’a été prononcée et de nouvelles investigations vont être menées.
Peut-on alors considérer que l’eau du robinet est contaminée ?
"L’eau du robinet est l’aliment le plus contrôlé en France", ne cesse de répéter le gouvernement, mais ce n’est pas pour autant qu’il est le plus sûr. Une soixantaine de paramètres sont étudiés (nitrates, microbes, parasites, pesticides…), 320 000 prélèvements d’échantillons réalisés et 18,5 millions de résultats analysés chaque année. Mais on est loin d’étudier toutes les substances. Rien que pour les pesticides, on sait que 750 molécules et dérivés sont susceptibles de se retrouver dans l’eau et seulement 206 en moyenne sont recherchées avec de fortes disparités régionales. L’objectif est donc de s’intéresser à celles qui semblent les plus problématiques. C’est ce que fait l’Anses avec ces campagnes réalisées tous les trois ans sur les "molécules émergentes". Mais ce n'est pas parce qu'une substance est identifiée qu'elle est forcément néfaste. Il faut ensuite mener des études pour établir un seuil au-delà duquel sa consommation est jugée problématique.
Selon les derniers chiffres publiés par le gouvernement, en 2021, 17% des Français ont été alimentés par de l’eau du robinet au moins une fois non-conforme au cours de l’année vis-à-vis des seuils établis pour les pesticides. Pour la qualité microbiologique ce taux tombe à 1,7% et pour les nitrates à 0,7%. De fait, très peu de restrictions de consommation sont prononcées. Mais elles pourraient augmenter au fur et à mesure qu’on élargit les substances recherchées. Ainsi, dans l’Aisne, le métabolite du chloridazone, un herbicide utilisé dans la culture de la betterave jusqu'à son interdiction en 2020, est particulièrement surveillé depuis 2021. Plusieurs communes ont fait ou font encore l’objet de restrictions de la consommation. Des captages ont également dû fermer en raison de leur contamination au métabolite de chlorothalonil, comme le révèle une enquête de la cellule investigation de Radio France.
Les eaux en bouteille, une alternative plus sûre ?
Pas forcément. Selon une étude publiée en juillet 2022 par l’association Agir pour l’environnement, 78% des eaux en bouteille analysées étaient contaminées par des microplastiques. "Ces résultats sont une nouvelle illustration de l’omniprésence du plastique dans nos vies, jusque dans l’eau en bouteille !, réagit l’association dans un communiqué. Ils viennent également confirmer les conclusions de plusieurs études scientifiques sur le sujet et d’un rapport de l’Organisation Mondiale de la Santé qui reconnaissait déjà en 2019 l’importance de la contamination de l’eau par les microplastiques".
Un récent rapport publié par l’Onu note également que "les normes strictes de qualité de l'eau du robinet sont rarement appliquées à l'eau en bouteille, et même si de telles analyses sont effectuées, les résultats arrivent rarement dans le domaine public". En outre, les eaux en bouteille génèrent une importante quantité de déchets plastiques : autour de 600 milliards de bouteilles plastiques ont été produites en 2021, dont 85% finissent en décharge et ne sont pas recyclées. Les experts onusiens estiment que la moitié des ventes d’eau en bouteille suffirait à fournir de l’eau potable à tous.