Publié le 27 septembre 2023
ENVIRONNEMENT
Normes antipollution : nouvelle attaque contre le Pacte vert européen
La lutte contre la pollution de l'air attendra... Les pays de l'UE se sont accordés sur les contours de la nouvelle norme Euro 7 qui fixent des limites de pollution aux véhicules. Mais face à la levée de boucliers des constructeurs automobiles, acculés par la fin des véhicules thermiques, les ministres ont cédé.

@iStock
C’est encore un coup de canif dans le Pacte vert, ce paquet de législations qui doit amener l’Union européenne vers la neutralité carbone en 2050. Lundi 25 septembre, les pays de l’UE ont adopté une version édulcorée de la norme Euro 7, qui encadre les émissions de CO2 et les rejets de particules des véhicules. La version initiale, proposée par la Commission européenne, entendait réduire significativement les émissions d’oxyde d’azote (NOx) et de particules fines alors que la pollution de l’air est responsable d’au moins 230 000 morts chaque année dans l’UE.
Mais, sous l’impulsion notamment de la France et de l’Italie, c’est finalement la compétitivité qui l’a emportée. Les constructeurs automobiles étaient en effet vent debout contre ces nouvelles contraintes. Ils craignaient que ces celles-ci ne renchérissent le prix des véhicules et qu’elles n’entravent leurs capacités d’investissement dans l’électrique. Ils refusent en outre d’investir dans des modèles qui ne seront plus commercialisés à partir de 2035, date à partir de laquelle les constructeurs automobiles ne pourront plus mettre sur le marché que des voitures et véhicules utilitaires légers "zéro émission".
"Lobbying acharné"
"La position des États membres constitue une amélioration par rapport à la proposition Euro 7 de la Commission européenne – qui était totalement disproportionnée, entraînant des coûts élevés pour l’industrie et les clients, avec des avantages environnementaux limités", a réagi la directrice générale de l’ACEA (Association des constructeurs européens d’automobiles), Sigrid de Vries. "Notre industrie est pleinement engagée dans la lutte contre la pollution de l'air et le changement climatique", a-t-elle ajouté.
"C’est l’œuvre du lobbying acharné des constructeurs automobiles directement auprès du ministère de l’industrie. Triste nouvelle pour nos poumons !", dénonce Tony Renucci, directeur général de l’association Respire. "Les véhicules thermiques vendus jusqu’en 2035 vont rester en circulation pendant très longtemps", pointe également le ministre délégué irlandais Dara Calleary. Il met en garde sur le fait que "le marché européen risque de se retrouver à la traîne par rapport à la Chine, aux États-Unis et au Canada, où les normes sont plus élevées."
Le texte, qui doit encore être approuvé par le Parlement européen, présente toutefois quelques avancées. S'il conserve les mêmes conditions d’essai et les limites d’émissions existantes (telles qu’établies dans Euro 6), il acte un abaissement des seuils d’émission pour les poids lourds. Il introduit aussi pour la première fois des limites à l’émission de particules provoquée par l’usure des freins et des pneus. Les microparticules issues du trafic routier auraient le même impact sur les océans que les microparticules charriées par les rivières, selon une étude publiée en 2020 dans la revue Nature Communications.
37 textes encore en négociation
Ces derniers mois, le Pacte vert ne cesse d’être attaqué. L'Allemagne avait choqué en mettant son veto sur la fin des véhicules thermiques en 2035 à la dernière minute, alors que les discussions étaient officiellement closes. Puis, la France avait bloqué l'adoption de la directive sur les énergies renouvelables dans laquelle elle voulait une reconnaissance du rôle du nucléaire en tant qu'énergie décarbonée dans la transition. Plus récemment, des parlementaires de droite et d’extrême-droite avaient tenté de bloquer le texte sur la restauration de la nature, finalement sauvé in extremis.
À ce jour, le Pacte vert reste inachevé avec 37 textes encore en négociations, dont ceux, très disputés, sur la restauration de la nature, dont l'adoption définitive est attendue d'ici la fin de l'année, et sur l'encadrement des pesticides. Dans ce contexte, Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne, a annoncé sa volonté de "garder le cap" et "rester ambitieux", lors de son discours sur l'état de l'Union, le 13 septembre dernier. La véritable épreuve pour la survie du Pacte vert seront les élections européennes de juin 2024.