Publié le 21 juin 2021
ENVIRONNEMENT
La santé de millions d’enfants menacée par un "tsunami de déchets électroniques"
Ordinateurs, téléphones portables ou montres connectées, les déchets électroniques s'accumulent à travers le monde. Mais le recyclage, lui, ne suit pas. Les montagnes de déchets sont envoyées dans des pays en développement où des enfants récupèrent dans les décharges les matériaux précieux comme l'or et le cuivre. 18 millions d'enfants sont exposés à des substances extrêmement toxiques et l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) appelle à agir.

Florine Morestin
350 navires de croisière qui, mis bout à bout, formeraient une ligne de 125 km de long. Voici le poids qu’ont représenté en 2020 les déchets électroniques. En seulement cinq ans, le Global E-waste Statistics Partnership (GESP) a enregistré une hausse de 21 % de leur volume. Or, selon les dernières estimations, seulement 17,4 % des 53,6 millions de tonnes déchets électroniques générés en 2019 sont parvenus jusqu’aux installations formelles de gestion ou de recyclage. Le reste est "mis au rebut illégalement, principalement dans des pays à revenu faible ou intermédiaire, où ils sont recyclés par des travailleurs du secteur informel", écrit l’Organisation mondiale de la santé dans une note parue le 15 juin.
Et ces travailleurs informels sont souvent des femmes (12,9 millions) ou des enfants. Leurs petites mains permettent en effet d’accéder à des zones de nos téléphones, ordinateurs, tablettes… difficilement atteignables pour les adultes. Ces enfants, dont certains n’ont pas plus de cinq ans, assure l’OMS, cherchent à récupérer des matériaux précieux comme du cuivre ou de l’or. Ils s’exposent ainsi à plus de 1 000 substances extrêmement nocives comme le plomb, le mercure, le nickel ou encore les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP).
"Les volumes de production et d’élimination des équipements ne cessant d'augmenter, le monde est confronté à ce qu’un récent forum international a qualifié de "tsunami de déchets électroniques" en progression constante, mettant en danger la santé et des vies humaines", a déclaré le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, Directeur général de l’OMS. "De la même manière que le monde s’est mobilisé pour protéger les mers et leurs écosystèmes de la pollution due aux plastiques et aux microplastiques, nous devons nous mobiliser pour protéger notre ressource la plus précieuse - la santé de nos enfants - de la menace croissante des déchets électroniques", ajoute-t-il.
Cancer, maladies cardiovasculaires...
Les conséquences sur la santé des enfants sont multiples. Cela va des altérations de la fonction pulmonaire au risque accru de développer, plus tard des maladies chroniques comme les cancers et les maladies cardiovasculaires en passant par des troubles de la fonction thyroïdienne. "Un enfant qui mange un seul œuf de poule venant d’Agbogbloshie, une décharge de déchets située au Ghana, ingérera 220 fois la dose quotidienne tolérable de dioxines chlorées fixée par l’Autorité européenne de sécurité des aliments", déclare Marie-Noel Brune Drisse, l’auteure principale du rapport de l’OMS. Car il ne s’agit pas seulement de travail, mais d’environnement. Les enfants qui jouent à proximité des décharges sont également surexposés aux substances toxiques.
Pour faire face à ce phénomène d’ampleur, ce sont aux "exportateurs, importateurs et gouvernements de prendre des mesures efficaces et contraignantes pour assurer l’élimination écologiquement rationnelle des déchets électroniques" ainsi que sur la santé des travailleurs, explique l’OMS. Les pays, qui génèrent ces déchets, auront un intérêt économique à les prendre directement en charge dans les années à venir. La Chine, qui détient la majorité des métaux rares, rend complètement dépendant le reste de la planète alors que la consommation des appareils électroniques explose. La flambée des prix de certains matériaux stratégiques pourrait pousser les pays à lancer des filières de recyclage, ce dernier devenant plus compétitif.
Marina Fabre, @fabre_marina