Publié le 02 septembre 2022
ENVIRONNEMENT
Un automne en plein été : les arbres perdent leurs feuilles sous l’effet de la sécheresse
Les feuilles se ramassent à la pelle… en plein été. Pourtant, malgré les apparences trompeuses, l’automne n’est pas encore arrivé. Si les arbres perdent déjà leur feuillage, c’est en réaction au manque d’eau et aux températures records. Un phénomène qui risque de se répéter, mettant en péril notre végétation et tout l’écosystème qui en dépend.

SUSANNAH IRELAND / AFP
Si les températures sont encore estivales, les paysages, eux, sont déjà passés en mode automnal. Dans les forêts et les parcs, les feuilles craquent sous les pas des derniers vacanciers de l’été. Depuis plusieurs semaines maintenant, les arbres ont commencé à changer de couleur et à perdre leur feuillage. Un phénomène observé dans de nombreuses communes françaises. Du Finistère au Lot, en passant par les grands parcs parisiens, les internautes ont ainsi rapporté sur les réseaux sociaux leur surprise face à cet événement précoce.
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— Christophe Parayre (@ParayreC) August 24, 2022
Mais à un peu moins d’un mois de l’équinoxe d’automne, s’agit-il vraiment des premiers signes du changement de saison ? La réponse est non, selon Brigitte Musch, Responsable du pôle Recherche, développement et innovation à l’Office national des forêts (ONF). Il s’agit en réalité de l’une des conséquences de la sécheresse historique qu’a traversé l’Hexagone cette année.
Pour survivre au manque d’eau, les arbres activent plusieurs mécanismes. Le premier consiste à "arrêter de transpirer pour ne pas perdre le peu d’eau qu’il leur reste" explique la spécialiste. Pour cela, ils ferment leurs stomates, des pores situés généralement sur les feuilles, essentiels dans le processus de photosynthèse. Dans un second temps, ils perdent leur feuillage pour stopper complètement la déperdition d’eau. "Certains arbres utilisent très rapidement ce mécanisme, comme les bouleaux, d’autres beaucoup moins comme le chêne pédonculé. Or c’est le cas actuellement, environ un sur deux ont tendance à perdre leurs feuilles", observe Brigitte Musch.
Sécheresse et canicule : un double risque
Cependant, la sécheresse n’est pas la seule à jouer un rôle dans cette situation, les températures records peuvent également causer des dégâts. Les vagues de chaleur qui se sont enchaînées depuis le mois de juin ont littéralement brûlé le feuillage de certains spécimens, celui-ci prenant alors une teinte brune sur les branches les plus exposées aux rayons du soleil.
Un phénomène qui peut avoir des répercussions importantes sur la survie de certaines espèces. Les feuilles permettent en effet aux arbres de faire du bois et de mettre en réserve des sucres pour redémarrer l’année suivante. "Si l’on répète ces années de sécheresse comme c’est le cas, avec une parenthèse pour 2021, cela va les affaiblir de plus en plus. Ils vont redémarrer avec de moins en moins de feuilles, de branches et vont être de plus en plus sensibles aux attaques de parasites" note la chercheuse. Oiseaux, insectes, végétation… c’est tout l’écosystème qui est alors affecté.
Autre conséquence, et non des moindres, "les arbres fragilisés produisent des feuilles plus petites que la normales, moins efficaces pour absorber le CO2". Une fonction qu’ils ne peuvent d’ailleurs plus du tout remplir une fois leur feuillage tombé. S’enclenche alors un véritable cercle vicieux : plus il fait chaud et sec, moins les arbres peuvent stocker de CO2, plus les températures augmentent et le réchauffement climatique s’intensifie…
Une situation de plus en plus fréquente
Ce "faux automne" n’est pas nouveau et a déjà été observé auparavant, signale Brigitte Musch. Mais c’est sa précocité qui surprend. "Cette année, les feuilles ont commencé à tomber fin juillet, ce n’était pas le cas les années précédentes." Et la France n’est pas la seule touchée. Au Royaume-Uni, la végétation connait le même destin après un mois de juillet le plus sec jamais enregistré dans de nombreuses régions du sud et de l'est de l'Angleterre.
Leigh Hunt, conseiller à la Société royale d'horticulture, relève qu'une situation analogue s'était produite lors de longs épisodes de sécheresse en 2006-2007 et juste avant la pandémie de Covid-19. "C'est particulièrement sévère cette année", a-t-il déclaré à l'antenne de Times Radio. "Mais ce que je remarque, c'est que ces événements semblent se produire plus fréquemment". Un discours partagé par Brigitte Musch, qui souligne l’importance de la répétition dans ce phénomène. "À l’image de boxeurs, les arbres se prennent des coups à plusieurs reprises, jusqu’au jour où ça leur est fatal. Est-ce que cette année sera fatale à un certain nombre d’arbres, c’est trop tôt pour le dire, mais il est possible que certains ne s’en relèvent pas", conclue-t-elle.
Florine Morestin avec AFP