“Ce qui caractérise ce quinquennat, c’est la duplicité entre la parole et les actes”, assure Cécile Duflot, directrice générale d’Oxfam France. “C’est très grave parce que cela peut donner l’impression aux Français que le pays avance alors que ce n’est pas le cas.” Quelques heures avant l’intervention d’Emmanuel Macron à la tribune de la Convention citoyenne pour le climat vendredi 10 janvier, les ONG environnementales ont dénoncé le grand écart entre les discours ambitieux du Président et les “petits pas” du gouvernement sur le climat.
“Emmanuel Macron s’est posé en champion du climat sur la scène internationale. Néanmoins, les mauvais résultats au niveau national mettent en péril sa crédibilité et celle de la France“, regrette le RAC. “La France dépasse chaque année les budgets carbone qu’elle s’est fixés pour atteindre ses objectifs climatiques”, dénoncent-elles. “Et les nombreuses lois votées ces derniers mois – sur l’alimentation, l’énergie et le climat, la mobilité, ou encore le budget 2020 – ont été autant d’occasions manquées.”
“La France est dans le rouge”
Hausse des émissions des voitures neuves, rénovation énergétique des bâtiments au point mort, hausse du fret routier au détriment du fret ferroviaire et fluvial, hausse de la consommation d’engrais azotés, le bilan apparaît effectivement négatif au regard des faibles avancées obtenues sur la baisse de la consommation de viande, la fermeture de Fessenheim ou encore le développement du vélo.
Devant les 150 citoyens qui composent la Convention citoyenne pour le climat, le chef de l’État a assuré que des “décisions fortes” seraient prises sur la base de leurs propositions, dont certaines pourront être soumises à référendum, pour lutter contre le réchauffement. Celles-ci seront connues à l’issue des travaux de la Convention, qui devrait remettre ses conclusions début avril.
“La France est dans le rouge sur l’ensemble des objectifs qu’elle s’est fixés”, réagit Morgane Créach, la directrice du Réseau action climat (RAC). “La Convention est très utile mais ce n’est pas elle qui va décider des futures politiques. Elle ne doit pas servir d’alibi pour repousser à plus tard des mesures qui doivent être prises dès aujourd’hui”, a-t-elle insisté.
Le budget carbone 2019-2023 va être augmenté
En juin dernier, le Haut conseil pour le climat (HCC) estimait que la France devait multiplier par au moins trois la baisse annuelle de ses émissions de gaz à effet de serre d’ici 2025 afin d’atteindre ses objectifs et recommandait de ne pas réviser à la hausse le budget carbone du pays dans la nouvelle stratégie nationale bas-carbone. Dans sa réponse, dévoilée par Le Journal de l’Environnement, le gouvernement fait savoir que “dans un souci de sincérité”, le budget carbone 2019-2023 sera bien augmenté, permettant des émissions supplémentaires de gaz à effet de serre et reportant à plus tard les efforts nécessaires.
Dans un autre rapport, publié en décembre dernier, le HCC recommandait également une évaluation plus ambitieuse des lois alors que seuls 3 % des articles sont aujourd’hui évalués sous l’angle du climat. Cette proposition a été reprise par 46 députés de tous bords. Ils demandent la mise en place d’un principe “d’irrecevabilité climatique” et d’“un mécanisme contraignant qui permettrait de rejeter des lois” jugées incompatibles avec la Stratégie Nationale Bas-Carbone. Le gouvernement s’est engagé à évaluer l’impact sur les gaz à effet de serre des lois Elan sur le logement, Egalim sur l’alimentation et LOM sur les mobilités (LOM). Mais celles-ci ont déjà été promulguées…